I

Introduction générale

Les polars appelés Whodunnit« (contraction de Who done it), comme les romans d’Agatha Christie (et c’est d’ailleurs autour du roman La Souricière que le film se concentre) ou le jeu de société Cluedo, j’en suis très friand (En littérature, Dix Petits Nègres et même n’importe quel roman de Christie, au cinéma, Le Crime de l’Orient-Express et Mort sur le Nil de Kenneth Branagh, Murder Mystery de Kyle Newacheck et À Couteaux Tirés de Rian Johnson, et à la télé, Arabesque), j’adore en lire ou en regarder, même quand le déroulement est visible à des kilomètres. Et justement, ça nous mène à Coup de Théâtre.

Le film est complètement cynique!

On commence avec Leo Kopernick en narrateur qui parle du style Whodunnit en disant bien ironiquement « une fois que vous en avez vu un, vous les avez tous vus ». Le film s’assume totalement en whodunnit classique, et non seulement il s’assume, mais en plus il se moque du style! En outre, le film ne se privera pas de faire un parallèle explicite avec La Souricière d’Agatha Christie! Sans forcément s’adresser explicitement au spectateur, le film explose le quatrième mur! Non non, il l’atomise! Non plus, il lui défonce sa race au quatrième mur!

La mise en scène

La mise en scène de Tom George est très cadrée, centrée, méticuleuse (les personnages et les objets sont à des emplacements très précis, soit exactement au milieu, aux quarts ou aux tiers de l’image), et pour les couleurs et la présence d’Adrien Brody, la première fois que j’ai vu les affiches dans le métro à Paris, j’ai cru que c’était le prochain film de Wes Anderson (bah non, si c’était du Wes Anderson, les couleurs seraient du pastel criard, le film se passerait en France, et en plus de Brody, on aurait aussi Léa Seydoux, Bill Murray, Willem Dafoe et Jason Schwartzman!)! À part ça, l’ambiance londonienne années 50 est très plaisante, entre les costards, les manteaux et les fedora, les voitures, le jazz (chapeau au compositeur Daniel Pemberton!), les suites d’hôtel de Leo Kopernick et de Mervyn Cocker-Norris.

Le style

Si Coup de Théâtre est un whodunnit classique (quoique particulier pour son cynisme), en revanche sa particularité est qu’il est tourné sous un angle comique, le film est complètement décalé, je n’ai jamais vu des personnages aussi flegmatiques (même John Cleese n’a pas autant de flegme dans Un Poisson Nommé Wanda!). Cependant ils ne rivaliseront jamais avec les bretons dans Astérix et Obélix au Service de sa Majesté, ces mecs-là sont les champions! D’ailleurs, en parlant des personnages…

Les acteurs (surtout Saoirse Ronan)

J’adore le tandem Sam RockwellSaoirse Ronan dans les rôles de l’inspecteur Stoppard et de l’agent Stalker, un duo de buddy movie très conventionnel: deux personnages en tous points opposés (Stoppard est sobre, silencieux et pas très réactif, tandis que Stalker est vive, zélée et réactive, en plus d’être cinéphile), mais qui vont s’apprivoiser et se lier d’amitié, mais contrairement à l’Arme Fatale qui dépeint des personnages plutôt sombres, Stoppard et Stalker ont seulement un léger fond de noirceur (Stalker a perdu son mari pendant la seconde guerre mondiale et Stoppard s’est fait tromper par sa femme et l’a quittée), sans faire de l’ultra dark (vous connaissez cet effet de mode actuel à faire du très sombre pour faire très sombre parce que ouais, c’est trop hyyyype!). Stoppard et Stalker ont eu des épreuves difficiles dans leur vie, mais au moins, on n’a pas des dépressifs colériques qui ont une vie pourrie, ça fait du bien de revoir des personnages plus légers. Si Sam Rockwell est très bon mais un peu trop silencieux (mais avec Jérôme Pauwels au doublage pour faire monter encore plus le niveau), en revanche je suis complètement sous le charme d’irlandaise de Saoirse Ronan, déjà qu’elle est canon, mais en plus son personnage est très attachant et presque passionnant (elle note tout ce qui lui semble important sur son calepin, j’adore) mais aussi complètement hilarante à certains moments, à force d’aller à des conclusions hâtives! Je veux l’avoir comme coéquipière! Et d’ailleurs, quand on parle du loup…

L’élément-clef

Le lendemain du meurtre de Kopernick, à la sortie de leur convocation par le commissaire de Scotland Yard, Stoppard et Stalker foncent dans le dur et commencent réellement l’enquête. Stoppard, en voyant la vivacité non canalisée de sa coéquipière, donne à cette dernière (et implicitement au spectateur) un conseil qui prendra son importance dans tout le film: ne pas plonger dans les conclusions hâtives. Le film fait tout son possible pour brouiller le spectateur, j’avais ma piste et évidemment, je suis tombé dans le panneau et c’est ainsi que je ne me suis pas attendu au dénouement (j’aime tellement les whodunnit, je me laisse avoir à tous les coups!). C’est un conseil qui suivra Stalker tout au long du film, d’abord pour le plus grand amusement du spectateur, puis de façon sérieuse, et je vous remets dans le contexte:

-Rigolo: Stoppard et Stalker vont interroger Richard Attenborough dans sa loge. Alors qu’Attenborough donne son alibi, Sheila entre dans la loge et dit « C’était moi. », alors Stalker, sans réfléchir, s’apprête à l’arrêter en disant « Au nom de la loi, je vous arrête… » avant de se faire interrompre et calmer par Stoppard.

-Sérieux: Après avoir vu Kopernick dans un rêve où il perd son pantalon, Stoppard se réveille dans un cellule face à Stalker et au commissaire, arrêté parce que pris pour le tueur de Kopernick, par concordance de plusieurs éléments (son manteau et son feutre ressemblent à ceux du tueur, Stoppard est arrivé par hasard seulement quelques secondes après le tueur qui a tué Mervyn Cocker-Jarvis ; Stoppard a été cocu par son ex-femme, et avant que Kopernick ne se fasse tuer, ce dernier a reçu la visite d’une femme avec un enfant qui lui dit que c’est son fils, ce qui fait qu’il aurait un mobile qui concorde), sauf que la femme qui est venue voir Kopernick n’est pas l’ex-femme de Stoppard, alors qu’elles ont le même prénom, Joyce. Conclusion hâtive. Stoppard est innocent.

-Rigolo bis: Stalker lance une perquisition dans une maison en cherchant un témoin. Alors qu’un type à côté commence à lui dire qu’il y a une clef sous le paillasson, avant qu’il n’ait pu finir, Stalker enfonce la porte et tombe avec, j’étais mort de rire!

Conclusion

Intrigue prévisible mais amusante avec un dénouement plutôt inattendu, un whodunnit classique mais cynique et à moitié méta qui se tourne lui-même en dérision, Coup de Théâtre en offre vraiment un sous ses airs de déjà vu!

Synopsis

Londres, 1953. Leo Kopernick, réalisateur vedette d’Hollywood (Adrien Brody), est retrouvé mort au théâtre Ambassadors, dans le West End. Parmi les 10 suspects (je vais pas tous les énumérer non plus), le scénariste Mervyn Cocker-Norris (David Oyelowo), la directrice du théâtre Petula Spencer (Ruth Wilson), le metteur en scène et comédien Richard Attenborough (Harris Dickinson), le producteur de cinéma John Woolf (Reece Shearsmith) et l’ouvreur Dennis (Charlie Cooper). Sont mis sur l’enquête par Scotland Yard le jeune agent de police Stalker (Saoirse Ronan) et l’inspecteur Stoppard (Sam Rockwell).