Le monde est labyrinthe. Nous nous courons les uns après les autres dans des architectures qui nous dépassent, nous laissons emporter par la magnificence de certains bâtiments et nous faisons emporter par l’abîme de notre quotidien. « Ripley » se développe ainsi dans ce parti pris esthétique d’un monde qui écrase constamment, et renvoie l’individu à son statut de solitude permanente. Très rapidement, on se fait happer par le choix de cette photographie en noir et blanc qui embaume son univers comme un sentiment mortifère qui suinte peu à peu de ses décors bien trop magnifiques pour être tout à fait honnêtes.
Une relecture du personnage de Tom Ripley aurait pu sembler redondante, d’autant plus dans un format de série. Et pourtant, la structure narrative qui en découle permet de faire respirer les protagonistes afin de mieux les tendre, les écraser et leur faire subir les contours de sa narration. C’est une échappée belle qu’on suit, comme si notre personnage titre se devait de reprendre constamment son souffle entre les morts qui l’entourent et son accumulation de mensonges, aussi instable et fragile que son protagoniste principal.
Pour habiter Tom Ripley, il fallait un acteur de talent, de ceux qui esquivent des facilités d’intention qui auraient pu être contreproductives dans l’approche globale de la série. Andrew Scott constitue dès lors une des plus grandes réussites de cette relecture, son charme froid appuyant aussi bien un malaise qu’un bouillonnement intérieur qui ne demande qu’à exploser. Dans l’opposé total de son Moriarty version « Sherlock », l’acteur irlandais semble incandescent, illuminé par une quête totale d’appartenance et d’identité qui va structurer le récit et le réorienter en permanence dans ce labyrinthe que sont ses paysages italiens. C’est dans cet espoir d’un affranchissement que naît l’anxiété et dans des espaces normalement propices à l’émancipation que se crée le drame.
Aussi sec dans sa brutalité que renversant visuellement, « Ripley » constitue une série tout bonnement immanquable. Une fois aspiré par son côté atmosphérique et sa narration aux apparences flottantes, on découvre un dédale mental des plus prenant, où le sublime renvoie à la douleur et où la sensation d’isolement semble permanente. Profitant d’une écriture aussi fine que ses visuels et sa direction d’acteurs, ces 8 épisodes se révèlent d’un plaisir télévisuel permanent, forts d’un équilibre qui ne vacille jamais. Voilà donc un beau labyrinthe dans lequel on prend un plaisir à se perdre et ce, jusqu’au vertige complet…