Attendu comme la sortie cinéma principale du mercredi 17 avril, Civil War montre la possibilité d’Etats-Unis désunis, avec la Californie et le Texas qui font sécession et dont les armées marchent sur la capitale Washington pour renverser le pouvoir en place. La fiction est rendue très réaliste en suivant 4 journalistes qui rallient la capitale depuis New York et se rendent compte des disparités de perception de la situation de guerre civile généralisée au contact des habitants rencontrés dans les régions traversées. Les scènes d’action sont peu nombreuses mais tranchantes comme des lames de rasoir, le film se veut surtout contemplatif et mélancolique, interrogeant surtout sur le comment on en est arrivé là…
Et si Donald Trump revenait au pouvoir…
Le scénariste et réalisateur Alex Garland réalise une véritable fable cruelle avec Civil War, imaginant la possibilité d’un conflit violent ravageant une nation peu préparée à ce cas de figure. Les images des exactions commises au fur et à mesure du périple des héros rappellent des scène similaires mais venues d’autres pays, d’Afrique, d’Amérique du Sud ou même d’Europe, montrant que l’homme est partout le même au-delà des différences de cultures ou d’origines, un loup pour l’homme. Lee (Kirsten Dunst) et son acolyte Joel (Wagner Moura) sont des habitués des conflits mondiaux, le danger ne les effraye pas, au contraire, ils recherchent l’adrénaline à tout prix, telle une drogue dont ils sont devenus dépendants. Les 2 journalistes prennent la route avec la jeune et inexpérimentée Jessie (Cailee Spaeny) et le vieux roublard Sammy (Stephen McKinley Henderson) à leurs côtés dans un voyage qui va les confronter aux fêlures de l’Amérique. Car tout individu croisé avec un M16 en bandoulière peut être un ami ou un ennemi, sans distinction apparente si ce n’est dans le regard. Certains les braquent mais leur vendent de l’essence, d’autres se battent à mort et exécutent les prisonniers, d’autres encore organisent des charniers remplis de cadavres comme en Roumanie pendant la révolution de 1989. Les américains deviennent une meute lâchée sans muselières, s’entretuant sans motif valable si ce n’est apparemment celui de l’envie de sang. Le film n’explique pas les raisons du conflit et de la sécession. Le spectateur peut imaginer qu’un Donald Trump est arrivé au pouvoir (le président du film lui ressemble d’ailleurs furieusement, dans son physique et jusque dans sa lâcheté finale) et que la Californie et le Texas refusent le résultat de l’élection (mais a-t-il été élu ou a-t-il fait un coup d’état?). Pour la Californie, c’est crédible, pour le Texas, un peu moins. Toujours est-il que les armées de l’Ouest avancent inexorablement vers la capitale, laissent penser qu’une grande partie de l’armée « régulière » a déposé les armes en signe de ralliement aux sécessionnistes. Alex Garland a voulu mettre les journalistes et les photographes au premier plan dans une sorte d’hommage légèrement malvenu, surtout que le film les montre en vraies têtes brulées, dangers pour eux mêmes autant que pour les autres, pas vraiment des personnages en qui avoir confiance, plutôt des mercenaires que des missionnaires. Les scènes de violence comptent un minimum d’effets spéciaux pour un réalisme proche d’un naturalisme cruel, des balles à blanc ont été tirées sur le plateau pour amplifier l’impression de violence avec un niveau sonore proche d’un terrain de combat. Surtout quand le soldat interprété par un Jesse Plemons embauché au dernier moment pour un petit rôle sur le tournage, avec ses lunettes rouges disco, abat un à un ceux qui lui déplaisent sans sourciller, sûr de son bon droit limité à sa seule jugeotte. La dernière photo de fin de film montre un penchant très américain, poser avec le sourire devant la dépouille d’un supposé dictateur, comme avec Saddam, Kadhafi ou Ousama avant celui du film. Les américains seront toujours les américains… Point fort du film, la musique très américaine, avec le punk rock électronique et industriel de Suicide (notamment avec Dream Baby Dream à la fin du film mais aussi Rocket USA), De la Soul avec Say no Go ou Moving Out par Ben Salisbury & Geoff Barrow (entendu aussi dans la série Black Mirror).
Les intentions du film sont des plus remarquables, son traitement traine souvent en longueur jusqu’à ennuyer souvent car le film se laisse un peu trop le temps. Peu d’action, ce n’est pas si mal, mais le reste ressemble parfois un peu trop à du remplissage, le réalisme est à ce prix. Pas de quoi donner envie de le revoir très vite en tous cas, et c’est bien dommage.
Synopsis: Une course effrénée à travers une Amérique fracturée qui, dans un futur proche, est plus que jamais sur le fil du rasoir.