Critique : Avec « Jusqu’à la garde », Xavier Legrand s’était imposé comme un metteur en scène à suivre absolument, à la maîtrise visuelle qui savait comment étouffer au mieux ses spectateurs. C’est pour cela que les retours à priori tièdes de son « Successeur » peuvent surprendre, comme si l’audience était passée à côté de ce film qui n’est effectivement pas facile à appréhender au vu de son déroulé narratif. Pourtant, il suffit de creuser l’intérêt du réalisateur mais surtout sa manière de questionner encore et encore un héritage du patriarcat (aussi bien d’un point de vue littéral que littéraire) pour mieux apprécier ce film qui ne peut en effet que cliver, notamment par le traitement de son personnage principal.
Ainsi, la faillibilité d’Ellias est au centre même des enjeux, le renvoyant à ce qu’il a construit sur sa propre identité mais également sa manière d’être perçu à cause d’un père qu’il n’a jamais réellement compris ni apprécié. La révélation des événements, située après 40 minutes d’un drame solide et appuyée par un choix de cadrage fixe absolument effrayant, trouve une dureté qui renvoie à notre propre moralité, surtout au vu des implications qui peuvent se dessiner. Dès lors, le fait d’illustrer un ensemble « d’erreurs » nous rappelle à notre propre distance de spectateur tout en imposant le questionnement sur la véracité de notre héroïsme dans pareil cas de figure. La question trouble, met à mal, mais mérite d’autant plus la découverte par ce qu’elle illustre.
L’occasion est donc venue de réhabiliter « Le successeur » comme film passionnant de noirceur, jouant de sa maison à priori paisible pour mieux en représenter son horreur avec un malaise induit qui explose avec un éclat mémorable. C’est un film français qui mérite clairement d’être réévalué par l’absence de facilité qu’il prend, mais c’est surtout un rappel du très grand talent de Xavier Legrand pour détricoter des figures masculines qui s’étouffent avec une intelligence qui n’a d’égale que ses choix de réalisation.
Résumé : Heureux et accompli, Ellias devient le nouveau directeur artistique d’une célèbre maison de Haute Couture française. Quand il apprend que son père, qu’il ne voit plus depuis de nombreuses années, vient de mourir d’une crise cardiaque, Ellias se rend au Québec pour régler la succession. Le jeune créateur va découvrir qu’il a hérité de bien pire que du cœur fragile de son père…