Critique : Sans parler d’un éternel recommencement, l’art repose sur plusieurs cours d’inspirations, dérivant encore et encore à travers les siècles dans un flot qui ne semble jamais se tarir. Ainsi, les œuvres d’antan résonnent bien évidemment avec les créations plus contemporaines, dans cette éternelle question de comment parler de soi et du monde avec un même héritage artistique. Athéna Tsingarida, directrice de l’École belge d’Athènes et professeure à l’Université libre de Bruxelles, explore ici intelligemment la façon dont les artistes de l’avant-garde européenne ont puisé dans l’art grec archaïque et fait résonner cette influence pour appuyer la pertinence toujours aussi forte du mouvement actuellement.
Dans ce travail d’à peine plus de 120 pages, on plonge dans les liens et connexions artistiques avec une proximité qui sied à l’approche intellectuelle. On sent la façon dont le rapport d’antan a connu une nouvelle vie par la redécouverte historique, en permettant de rapprocher les époques avec une grande réflexion. L’autrice souligne l’importance de la redécouverte historique pour permettre de remettre en lumière des techniques passionnantes enfouies à travers les couches du passé et le fait avec une passion ainsi qu’un sérieux transpirant de cet ouvrage que l’on se plaît à lire rapidement, pris par l’analyse artistique d’une grande acuité intellectuelle.
« L’éternelle modernité de l’art grec : archaïsmes et avant-gardes européennes » se révèle ainsi et sans aucune surprise un passionnant essai qui permet d’approfondir notre rapport à la création en liant art grec archaïque et avant-garde européenne tout en rappelant surtout l’importance de cultiver le passé pour en souligner sa contemporanéité réflexive. Appuyé par quelques illustrations clôturant l’ouvrage, Athéna Tsingarida nous propose une analyse riche qui n’aura aucun problème à servir de porte d’entrée aux courants artistiques abordés pour toute personne un tant soi peu curieuse d’élargir sa culture. Dans une période où l’on aime faire croire à l’inaccessibilité de celle-ci à un plus large public, cette lecture ne s’en révèle que plus importante encore.
Résumé : De Rodin à Klimt, en passant par les Ballets russes, de nombreux artistes de l’avant-garde européenne ont puisé leur inspiration dans l’art grec archaïque. Athéna Tsingarida met en lumière ce processus de création qui se revendique d’un modèle grec tout en rompant avec la tradition classique. Elle fait aussi voir le rôle déterminant de l’archéologie, des musées et du mouvement Arts and Crafts dans la mise à l’honneur de ces œuvres archaïques qui vont engendrer une nouvelle esthétique européenne.