Une famille syrienne imagine le quotidien d’une famille barricadée dans son appartement au coeur d’une ville plongée dans la Syrie actuelle en guerre. Censé avoir été plutôt bourgeois et confortable, leur cadre de vie est devenu claustrophobique et anxiogène depuis le début du conflit. Loin d’être une pure fiction, le film relate le quotidien de ceux qui ont choisi de ne pas fuir pour rester chez eux, quand cela est possible. Par delà les risques de destruction et d’exaction. la famille se sert les coudes sous l’égide d’une mère de famille rigide et autoritaire. Pas d’histoire grandiloquente, juste une tranche de vie remplie de la brutalité d’un demain incertain.
Des images et des bruits
Dès le début du film, une famille syrienne rappellera à certains un autre film récent. Car la famille cloitrée chez elle doit vivre avec les omniprésents bruits de combats à proximité, de bombes qui explosent ou d’avions qui larguent des bombes. Le spectateur ne voit (presque) rien mais imagine la panique qui doit saisir chaque membre de la famille à chaque déflagration. Ce procédé sonore est diablement efficace et en dit autant, voire plus, que des images directes, surtout pour faire ressentir la tension engendrée par une situation précaire. La scène de début de Le Fils de Saul voyait déambuler des prisonniers juifs contraints de travailler pour les nazis dans les camps de concentration. Sans jamais rien montrer de l’horrible réalité des chambres à gaz, László Nemes se contentait de faire entendre les bruits de coups de prisonniers tambourinant sur les murs. Chaque spectateur doit encore s’en souvenir aujourd’hui tant l’effet produit était glaçant. Le film de Philippe Van Leeuw glace pareillement tant l’effroi suscité chez les spectateurs est quasi permanent. Surtout que le réalisateur choisit le huit clos pour figurer l’insupportable pression psychologique subie par la famille. La mère interprétée par la toujours hypnotique Hiam Abbass est le personnage central d’une petite tribu recroquevillée sur elle même. Le père de famille doit revenir de son passage en dehors d’un instant à l’autre et elle doit tenir en ordre son troupeau. Les enfants vivent l’insupportable situation et un couple de voisin dont l’appartement a été détruit est hébergé.
Une surprenante sobriété
Tout le film se déroule avec la possibilité qu’un évènement puisse détruire les membres de la famille en l’espace d’une seconde. La porte de l’appartement et les fenêtres matérialisent ce risque de mort imminente avec ce lien vers un extérieur menaçant. Le renforcement de la porte d’entrée parait bien illusoire face aux fracas des armes. Le film interroge sur la manière de vivre avec une omniprésente épée de Damoclès au dessus de la tête. Au coeur de nos sociétés occidentales, c’est un appel d’air inimaginable qui est présenté. Si le film limite au minimum les évènements, leur survenance frappe comme autant de coups de couteau dans l’esprit. Pourtant il faut continuer de vivre avec ce qu’il reste de confort. L’eau manque mais l’électricité fonctionne par intermittence. Internet est connecté et les nouvelles sont accessibles. Le réalisateur choisit d’imaginer une famille loin du dénuement extrême subi par tant d’autres. Avec cette dose de drame inhérente à une situation de guerre. Comme pour tisser un lien avec notre confort occidental et ne pas creuser de gouffre trop grand et faciliter l’empathie. Le spectateur ne peut qu’imaginer le destin de ceux dont les conditions de vie sont encore plus précaires. Mais la lucarne ouverte sur le conflit syrien glace déjà le sang. Des évènements de guerre ponctuent le film de jalons avec toujours la même conclusion. Rien ne permet de penser que le conflit puisse se finir rapidement, et cesser ainsi la lancinante suite de drames.
Une famille syrienne est un film aux accents de tragédie, à découvrir pour son hyper réalisme et sa tension constante.