La religion a toujours été un débat assez houleux dans notre société, que ce soit via les multiples cultes qui existent ou les actes barbares commis par les plus radicaux d’entre eux. Il y a derrière cette thématique de nombreux sujets à creuser pour l’importance de ceux-ci dans notre société, mais il vaut mieux prendre des gants sous risque de mal faire comprendre son message. Aujourd’hui, revenons sur une œuvre regardant la foi dans son aspect le plus sombre avec The witch .
Nouvelle Angleterre, XVIIème siècle. Une famille bannie de leur village emménage près d’une forêt. Cette dernière sera l’une des raisons de leur malheur.
Dès le début du film, nous comprenons que nous sommes face à une histoire de religion. Le procès auquel on assiste tourne autour de la croyance de la famille, le père se vante d’être plus clairvoyant que ses concitoyens et est quasiment déifié aux yeux de la famille. La religion est aussi inscrite dans l’intrigue du film que dans notre société même. Logique car l’époque décrite est fondée sur une croyance forte et aveugle en un Dieu. Sauf qu’au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire, divers malheurs vont s’abattre sur nos héros et aucune force divine ne saura les protéger. Pire : les horreurs qu’ils vont vivre peuvent être vues comme des puissances occulte néfastes qui, elles, existent dans la réalité de l’histoire. La présence d’une sorcière est rapidement établie (par le sacrifice qu’elle fait et son envol), ce qui appuie un aspect fantastique. Le ton du film deviendra ainsi nihiliste : l’Homme ne peut être que tenté par des dimensions mauvaises sans aucune possibilité de rédemption extérieure. La nature du monde est viciée par le mal et personne ne peut arriver à s’en extraire.
La tournure que prendra alors la foi des personnages appuie cette vision pessimiste. Censée amener l’apaisement au sein de leur âme, la croyance des protagonistes ne fait que les vicier et les rendre plus amers. La religion ne fait ici qu’écraser, fissurer une structure familiale mise à mal par le malheur vécu à leur arrivée (introduit par un champ contre champ simple et terrifiant à la fois). Le bonheur ne peut être présent en eux si on leur promet celui-ci comme accessible uniquement au paradis. La Terre est donc damnée à l’infortune éternelle tandis que ses habitants ne peuvent que se désespérer en attendant la libération de la mort. L’utilisation de la lumière naturelle rend cet aspect plus fort encore : les plans sont rarement colorés et souvent écrasés par une forme de noirceur pesante, comme cette forêt dont les arbres semblent sans fin. La famille se fait aussi bien broyer par sa foi que par la nature.
Certains ont critiqué que le film se vende comme un film d’horreur alors qu’il ne « fait pas peur ». L’effroi est pourtant présent ici mais de manière lente et implacable. Le malaise que vivent nos personnages est permanent et il semble qu’aucun moyen ne suffise à la faire partir. Confrontés à leurs interrogations (morales, sexuelles), il n’y aura qu’un d’entre eux qui arrivera à faire face à ses questions, mais cela n’aura pour but que de plonger définitivement le long-métrage dans un nihilisme absolu, appuyé par une séquence finale à la beauté mystique et lyrique à couper le souffle. Comment ne pas avoir peur d’une œuvre où l’espoir est inexistant ? Où l’âme humaine n’a comme possibilité que d’être corrompue ou anéantie ? L’absence de choix est quelque chose de terrifiant une fois que l’on y réfléchit un peu. Ne pas pouvoir se confronter aux choix que nous imposent notre monde, disparaître face à l’unique route dressée sur notre chemin : n’est-ce pas quelque chose que nous avons tous craint à un moment ou à un autre de notre vie ? La peur atteint son summum quand elle touche à quelque chose d’intime, de profond dans notre psyché. C’est clairement le cas ici, même si cela demande de jouer à contre-courant de certaines grosses sorties horrifiques à base de jump scare.
The Witch est donc une œuvre d’horreur nihiliste devant laquelle on ne peut que réagir, même si on n’y accroche pas. Il s’en dégage un tel sentiment de souffrance, de malaise palpable et oppressant qu’en revenir risque de prendre du temps, celui de vérifier si on essaie de faire face à nos démons intérieurs ou si on s’y abandonne…