Un visionnage récent de Rocketman a permis de voir ce que donnait ce biopic sur la star du rock devenue star de la pop Elton John, en activité depuis la fin des années 60 et connu autant pour ses chansons que pour ses frasques de diva. Grand fan de la période purement rock des débuts avec les hymnes Tiny Dancer, Goodbye Yellow brick road et Rocketman, je m’attendais à les chantonner en m’éblouissant devant la performance d’acteur de Taron Egerton. Et au final, il me reste un sentiment étrange. Car la réorchestration souvent symphonique des hymnes donne un petit air de comédie musicale plutôt malvenu à un film qui mélange aussi la chronologie. Là où Bohemian Rhapsody jouait la carte Biopic à fond avec des tubes pas revisités du tout et repris sans artifices pour le plus grand plaisir des fans mais avec également des raccourcis ou réarrangements chronologiques, Rocketman prend le risque d’une revisite des chansons, forcément décevantes pour les fans.
Une vie d’excès à la limite du croyable
La vie d’Elton John, c’est tout un roman. Des débuts sont difficiles. Un nom vieillot, un physique disgracieux et des parents dysfonctionnels ne lui ont pas facilité la tâche. Le petit Reginald Dwight a du s’appuyer sur ses dons de pianiste et sa capacité à se réinventer pour convaincre un producteur de sortir son premier disque, enfin. Le film insiste bien sur la rencontre décisive avec celui qui va l’accompagner pendant toute sa carrière, Bernie Taupin, devenu parolier attitré de la star. Complice d’Elton, véritable double, il a réussi à écrire des textes qui collaient au plus près de ce qui faisait l’homme, avec ses doutes, ses faiblesses mais aussi sa volonté de fer. Et ses excès, car entre l’alcool, la drogue, les femmes et les hommes, le chanteur ne s’est pas vraiment ménagé. Là où Bohemian Rhapsody faisait de nombreux raccourcis sur les aspects fantasques de la vie de Freddie Mercury en les minimisant au maximum, Rocketman choisit d’y aller franco. On échappe de peu au nu frontal mais ça ne passe pas très loin. Comme Elton est producteur du film, il a choisi l’honnêteté la plus totale, au risque de verser un tantinet dans le pathos à l’occasion. L’homme ne cache pas ses abus avec une consommation excessive de drogue, un biberonnage intensif des bouteilles et des aventures multiples. De là à penser que l’argent ouvre une digue dans la retenue et la pudeur, il n’y a qu’un pas et le film le franchit allègrement. Au risque de trop en faire. Beaucoup se poseront la question d’un tel déferlement de scènes où l’esprit se brouille, les yeux sont vitreux et le moral est en berne. C’est un choix du réalisateur et du producteur. Reste le jeu assez bluffant des acteurs qui collent au plus près des personnages originaux, avec une mention spéciale à Taron Egerton qui chante lui-même les chansons d’Elton John, ce qui pose un peu problème.
Une comédie musicale qui met les chansons à rude épreuve
Car si les morceaux apparaissent bien dans le film, leur traitement est quelque peu décevant. Là où le spectateur fan s’attend à pouvoir chantonner les morceaux, il doit supporter des réarrangements pas forcément malheureux mais qui travestissent fatalement ses souvenirs. Ainsi, Goodbye Yellow Brick Road est sous-titré, ce qui est très bon pour comprendre les double sens des paroles de Bernie Taupin et son art de la parole juste, mais ce n’est plus la chanson originale, ça devient autre chose, et c’est souvent moins bien. Si on ajoute les parties dansées, il n’y a plus de doute, Rocketman devient une comédie musicale et plus seulement un biopic. Ca plait ou ça déplait, c’est un fait et il devient impossible de marmonner les paroles des chansons, et donc de se projeter dans le film, au risque de rester en dehors sans pouvoir complètement le savourer.
Après 2 heures de film, le sentiment est mitigé. Car en plus des chansons réarrangées pour le meilleur ou pour le moins bon, le film prend des libertés avec la réalité. Ainsi la chanson finale I’m still standing laisse penser qu’Elton John était enfin sorti du cercle infernal des excès. Ce qui est chronologiquement faux car les années 80 toutes entières allaient voir le chanteur plonger toujours plus profond jusqu’à la fin de la décennie dans les abysses de l’addiction. Comme le film n’explique pas vraiment la chronologie, on peut s’y perdre. Mais c’est peut-être un détail, le film reste un spectacle impressionnant pour réhabiliter un chanteur hors norme.