Quand le romancier Mario Puzo publie l’ouvrage Le Parrain en 1969, personne ne sait encore qu’une trilogie mythique va être réalisée sur cette base et marquer l’histoire du cinéma, même près de 50 ans après la sortie du premier volet . Il y raconte l’histoire de la famille Corleone, la puissance du chef de famille Don Vito, les tensions familiales, les rivalités avec d’autres familles, la violence, les trahisons, les déchirements. Sans jamais (ou presque) utiliser les mots mafia ni cosa nostra, les 3 films racontent l’ascension et le chute de Michael Corleone, fils et successeur de Vito Corleone à la tête de la famille. 3 films, 3 fois 3 heures, une véritable odyssée cinématographique à voir et revoir.
Des gueules de cinéma
Les 3 films s’appuient sur des acteurs devenus mythiques, presque inconnus pour certains à l’époque et qui ont su s’en servir pour construire des carrières marquantes. Robert de Niro et surtout Al Pacino gardent tout en haut de leur panthéon personnel leurs prestations de Vito jeune et Michael tout au long de sa vie. Leurs mimiques, leurs attitudes, leurs phrasés, c’est sur leur jeu d’acteur que les films se sont principalement basés. Sans oublier évidemment la prestation mythique de Marlon Brando et les apports incommensurables de James Caan, Diane Keaton, John Cazale ou Robert Duvall. Tous sont d’une intensité impressionnante, personnalisant les émotions humaines avec une palette très large de nuances et de subtilités. La force du Parrain, c’est d’abord ses acteurs
Un contexte historique bien particulier
L’histoire de la famille Corleone, c’est celle d’une famille italienne émigrée aux Etats-Unis et devenue un empire financier. Ce pays s’est construit grâce à l’apport de couches successives de populations, le plus souvent pauvres et démunies. Les ascensions de ces émigrés s’est faite de tous temps à la force du poignet, ce que le deuxième volet montre bien. Le mépris des natifs pour ces nouveaux arrivants est relaté à maintes reprises, comme un refrain incessant, une explication à la soif de pouvoir de ceux que tout le monde rejetait au départ. Même si le spectateur est parfaitement et constamment mis au courant des méthodes brutales d’une famille soi-disant respectueuse mais qui ne flirte pas seulement avec la frontière du crime, elle enfreint complètement et impunément toutes les règles judiciaires, morales et même religieuses. Ce dernier point est même mis très souvent en avant quand les images de règlements de comptes se mêlent à des images de cérémonies religieuses. Montrant que l’inflexibilité des Corleone va au-delà de la moralité ou des interdits religieux. Rien n’est plus fort que l’intérêt de la famille.
Une destinée implacable
Les 3 films ont le luxe de se laisser le temps pour faire évoluer les personnages et densifier au maximum la description de leurs caractères. 3 fois 3h, c’est équivalent à la trilogie Seigneurs des Anneaux ou aux 3 trilogies Star Wars. Sans effets spéciaux, sans mondes imaginaires, Francis Ford Coppola trace une destinée marquée sous le sceau du sang, avec sacrilèges, querelles intestines et félonies en tous genres. Les enfants du Don veulent perpétuer l’héritage familial mais tout le monde constate qu’ils se trompent lourdement. Leurs actions sont en complète contradiction avec ce que le 2e volet nous montre de la méthode Corleone. Don Vito est dur mais toujours juste, commanditant ses méfaits sans jamais enfreindre certaines règles morales. Ce que ses films Santino et surtout Michael ne cesseront de faire, jusqu’à s’en prendre à la famille, tuer des proches et mentir à tout bout de champs. Les actes et les paroles sont en constante contradiction, donnant à la trilogie des airs de tragédie grecque, comme souvent dans les grands films.
Des scènes cultes à profusion
Il faut rendre à César ce qui est à César. Ce qui fait de la trilogie Le Parrain un moment clé de l’histoire du cinéma, c’est évidemment aussi et surtout l’art du réalisateur Francis Ford Coppola pour mettre en scène cette tragédie familiale. Sa direction d’acteurs et son art du scénario sont au paroxysme et aucun des trois films ne connait aucun temps mort. Il faut voir le regard d’Al Pacino quand il serre Fredo dans ses bras dans une tentative de réconciliation impossible après la mort de la Mamma. Ou son regard quand il attend dans ce restaurant pour tuer un officier de Police et un autre chef de famille. Ou ce baiser entre Michael et Fredo dans une Havane en train de basculer sous le joug castriste. Ou Robert de Niro dévaler sur les toits de Little Italy pour tuer un chef local pendant une procession religieuse au rythme martial. Ou le cri silencieux de Michael Corleone quand sa vie bascule dans le 3e Parrain. Ou Vito Corleone quand ile reçoit les demandes de siciliens pendant le mariage de sa fille. Bref, les 3 Parrains sont un régal de cinéphiles avec ces scènes inimitables, maintes fois reprises mais jamais égalées. Et c’est tout l’art de FFC.
La trilogie Le Parrain est un sommet de cinéma qu’il ne faut pas hésiter à voir et revoir pour s’imprégner d’une véritable leçon toujours d’actualité. Certains préfèrent le premier volet, ou le second, mais les trois films méritent d’être revus.