Des films qui évoquent les limites intrinsèques de notre société capitaliste, le cinéma actuel en regorge. Avec des chefs d’œuvres (The Big Short), de séduisants films à charge (La loi du marché), de flamboyants films sociaux (My name is Joe), des fictions tragiques (Corporate), et puis des films qui tentent l’introspection. Ceux qui travaillent pose la question de l’organisation des vies individuelles trop préoccupées par le travail jusqu’à en oublier de rester humain. Le personnage de Franck interprété par le toujours impeccable Olivier Gourmet est à la croisée des chemins. Et le spectateur reste un peu à quai face à ses errements intérieurs.
Un personnage tout en intériorité
Le héros l’explique lui-même. Eduqué dans une famille de paysans, il a pris le pli de ne jamais se plaindre et de prendre doctement ses taloches. Devenu adulte, il reproduit le schéma familial mais non pas au sein d’une heureuse famille nombreuse, il préfère agir ainsi dans son entreprise. C’est même pour cette raison qu’il est longtemps apprécié et valorisé. Jusqu’au jour où ses supérieurs décident de ne pas couvrir ses critiquables agissements, et le voilà mis à pied, obligé de démissionner. Si les spectateurs se félicitent de ce revirement du destin, le personnage est déboussolé. Le bon soldat vient de se prendre un coup de poignard dans le dos et c’est sa raison de vivre qui vacille. Lui qui ne comptait pas ses heures et se voulait avant tout efficace par delà son mutisme appliqué, personne ne le couvre et tout le monde le crucifie. Le film avance doucement, entre critique du capitalisme de plus en plus sauvage et confort d’une famille où les enfants mènent la belle vie sans savoir l’origine de cette vie d’aisance matérielle. Grande maison, belle voiture, piscine extérieure, tout va bien mais rien ne va. Personne ne voit la différence quand Franck décide de ne rien dire à personne, il joue un jeu sans que personne ne devine le gouffre intérieur. Le film se concentre sur ce dernier point, avec une économie de moyens admirable mais un effet délétère sur les spectateurs. Car le personnage semble ne rien aimer au-delà de son travail et de sa famille. Les sacrifices consentis toutes ces années l’ont transformé en zombie, en manque flagrant d’empathie, ce qui n’est définitivement pas cinématographique. Les longs plans tournés à partir du siège arrière de la voiture le voient conduire consciencieusement, sans accident ni évènement particulier, concourant à la langueur généralisée mais aussi à l’ennui du spectateur/ Les films français aiment bien tenter des exercices de style semblables, c’est louable mais un peu d’action ne ferait définitivement pas de mal. Parce qu’au final, il ne reste pas grand chose à raconter et à se souvenir.
Ceux qui travaillent n’est pas inintéressant du tout, bien interprété mais tellement de gris à l’écran déroute un peu. Un peu d’action, des dialogues un peu plus nombreux et un dénouement moins prévisible auraient agrémenté le film d’un peu de chaleur.