En seulement deux films, Damien Chazelle s’est imposé comme un réalisateur de référence à Hollywood. Whiplash et La La Land ont marqué les esprits des spectateurs et des critiques, au point que le jeune surdoué a touché l’Oscar du doigt sans pour autant le recevoir. Cette année, il revient avec First Man, biopic centré sur Neil Armstrong, le premier homme a avoir marché sur la Lune. Alors, 2018 sera-t-elle l’année Chazelle? Probablement pas.

 

L’homme derrière la conquête

 

En se concentrant sur l’histoire de l’homme plutôt que celle de la conquête, Chazelle revient sur l’un de ses thèmes fétiches : l’Homme déshumanisé et brisé devant la grandeur de ses ambitions. Andrew craque dans Whiplash, Sebastian et Mia rentrent dans une routine dans laquelle ils deviennent des automates sans volonté ni sentiments. dans La La Land. Dans First Man, Armstrong est dévasté par chaque vie sacrifiée pour le projet, notamment par celles de ses amis, mais également par celle de sa fille, emportée toute jeune par un cancer. Le processus de déshumanisation atteint son paroxysme vers la fin du film lorsque Neil, le visage impassible, répond aux questions de ses enfants de la même façon qu’il répond au journaliste. Ryan Gosling est d’ailleurs parfait dans ce rôle, de par son habitude à transmettre des émotions avec une expression figée. Claire Foy a également parfaitement capté l’essence de la relation entre Neil et Janet, cet amour sans passion, presque désintéressé, que l’on ressent notamment dans son regard. Le cocktail est donc parfait pour rendre au mieux les doutes du personnages face à un projet aussi ambitieux.

 

 

Si la perspective d’un Armstrong bouleversé plutôt que héros de la nation est intéressante, il est dommage que le film se sente parfois obligé de rajouter une bonne dose de pathos assez cliché, notamment concernant la mort de sa fille. La dernière scène, bien qu’émouvante, est d’ailleurs prévisible assez rapidement …

 

Panne d’inspiration?

 

A première vue, difficile de distinguer la patte de Chazelle sur First Man. Mis à part la succession rapide de plans serrés sur différents objets avec des angles de caméra divers dont le réalisateur a fait sa marque de fabrique depuis Whiplash, on pourrait croire que le film a été réalisé par n’importe quel (bon) cinéaste. C’est en réalité ce point précis que l’on peut facilement reprocher à First Man. En dehors de l’approche centrée sur l’humain plus que l’événement, le biopic pourrait ressembler à n’importe quel autre. Une déception quand on sait de quoi Chazelle est capable. L’usage abusif de la shaky cam pour les scènes de décollage et de turbulences est d’autant plus décevant tant cette technique est devenue une facilité de mise en scène. Quelques scènes captent cependant l’attention, notamment l’ouverture du film où l’on découvre Armstrong, enfermé, sans musique, essayant tant bien que mal de diriger sa capsule.

 

 

Il convient enfin de mentionner la remise en contexte historique, qui, sans être envahissante, permet de resituer les enjeux de la conquête spatiale. A plusieurs moments notamment, Chazelle insiste sur les pertes humaines relatives à une telle entreprise, la contestation populaire qu’elle a engendrée, et surtout la rivalité russo-américaine.

 

Sans être un mauvais film, bien loin de là, First Man se révèle donc bien moins inspiré que Whiplash ou La La Land, qui avaient fait entrer Chazelle au panthéon des meilleurs réalisateurs de la décennie. Un petit bémol dans une carrière presque parfaite.