Depuis déjà quelques années, je regarde régulièrement les nouveaux épisodes d’une série qui décortique les tenants et aboutissants du trafic de drogue depuis le début des années 80 jusqu’aux années 90. Narcos n’est ni un reportage ni un documentaire, même si la série ne se prive pas d’inclure des images d’archives véridiques pour que le spectateur se rende mieux compte de la finesse de la frontière entre télé et réalité. Et ça fonctionne!
Deux premières saisons mythiques
Les deux premières saisons se concentrent sur l’avènement et la chute du trafiquant de drogue le plus connu de l’histoire, Pablo Emilio Escobar Gaviria. Sous les traits de l’acteur brésilien Wagner Moura (aperçu dans les deux excellents films Tropa de Elite 1 et 2), le personnage prend une dimension titanesque. Rien ne lui résiste, faisant (littéralement) atterrir la cocaïne aux Etats-Unis pour le succès que l’on sait. Traqué par les agents de la DEA Javier Pena et Steve Murphy, il se montre de plus en plus excessif et sanguinaire pour maintenir son emprise sur un trafic qui attire d’autres acteurs tout aussi belliqueux que lui. Le personnage a animé quelques films récents, Escobar avec Javier Bardem et Paradise Lost avec Benicio del Toro. Mais le format série a le mérite de laisser le temps au personnage de s’imposer avant de s’effondrer, tel Icare s’envolant trop près du soleil. La tension est permanente et la voix off couplée aux images d’archives donnent froid dans le dos, comme si un pays entier avait pu verser dans la violence en quelques années comme sous le joug d’un esprit maléfique. Ceux qui ont vu ces deux saisons en 2015 et 2016 le savent, un tel spectacle fascine autant qu’il révulse car les scénaristes ont beau prétendre que la fiction s’inspire seulement de la réalité sans la reprendre à 100%, il y a quand même une avalanche de faits véridiques. Telle cette attaque du palais de justice qui fait écarquiller les yeux. Les politiciens se faisaient élire sous des prétextes fallacieux avant de couvrir les narcos contre monnaie sonnante et trébuchante. De quoi faire réfléchir sur cette maladie globale du monde politique mondial, la corruption…
Une saison 3 toujours impressionnante
A la fin de la saison 2, le personnage principal de la série a été abattu par les forces de police. Mais l’histoire ne finit pas. Car les voisins du cartel de Cali veulent reprendre le trafic à leur compte après la disparition du cartel de Medellin. Et les frères Rodriguez imposent leurs méthodes capitalistes pour régner en maitre. La série reprend les mêmes ingrédients, violence outrancière, images d’archives, pour faire revivre le périple des soi-disant gentlemen de Cali. 4 personnages tiennent les rênes, Gilberto Rodriguez le cerveau, Miguel Rodriguez le sanguin, José « Chepe » Santacruz le boucher et Hélmer « Pacho » Herrera le dandy. Tous les 4 semblent représenter 4 faces d’une même réalité, entre démesure et excès. Javier Pena continue la lutte avec ses méthodes éprouvées. Ramassée sur une seule saison, la dynamique fonctionne avec sa valse de règlements de compte, de filatures et d’arrestations. A 10 épisodes par saison, le visionnage ne prend pas trop de temps et fascine. Comme si devenir très riche ne pouvait passer que par des activités illégales, laissant rêveur sur les richesses accumulées par les grands de ce monde.
Une saison 4 qui fonctionne encore
La saison 3 se finit sur une phrase sibylline laissant penser que le Mexique n’est pas en reste dans ce trafic meurtrier. Le cartel de Guadalajara organisé par Miguel Nagel Felix Gallardo est décortiqué en profondeur, avec là aussi des trahisons, des coups fourrés et des policiers corrompus. C’est une constante dans toutes les saison, des flics vertueux doivent toujours faire face à des collègues véreux jusqu’à la moelle. C’est ici Kiki Camarena qui représente la justice face à des narcos tellement riches qu’ils peuvent se mettre tout le monde dans la poche. Au début de la saison, un jeune chauffeur échappe à une vendetta. Son nom? Chapo, on devrait le retrouver plus tard dans la série. Renseignements pris, la majorité des infos divulguées est véridique. Le trafic de marijuana initial, le passage au trafic de cocaïne et le sort funeste du héros. Là aussi, des images documentaires donnent une bonne idée de ce qu’était le Mexique avant la montée des Narcos, des Sicarios et des massacres. La série réserve également de belles surprises aux spectateurs avec le retour de personnages vus dans les 3 premières saisons. Etant donné la chronologie des évènements, c’est possible, et le plaisir de revoir certaines têtes connues est tout juste incommensurable.
La série est-elle un plaisir coupable? Un peu, il faut l’avouer, mais elle est tellement bien scénarisée et interprétée, avec sa cohorte de personnages secondaires et de péripéties qu’il faut bien l’admettre, la réalité est le meilleur terreau pour échafauder des séries passionnantes. La saison 2 de Narcos: Mexico prévue initialement pour le 13 février 2020a évidemment été décalée, mais on devrait bientôt pouvoir en savoir plus!