Après ses trois premiers albums, Megadeth a acquis une véritable notoriété. Mais ce n’est pas suffisant pour Dave Mustaine, dont le but est de détrôner ses rivaux de Metallica (groupe duquel il fut évincé en 1983). Après l’éviction de Chuck Behler et Jeff Young, le groupe repart sur de bonnes bases en engageant Nick Menza à la batterie et Marty Frideman à la guitare, formant ainsi le premier line-up stable de Megadeth (du moins jusqu’en 1999). C’est dans ce contexte de renouveau que sort en 1990 Rust In Peace.
Paroxysme musical
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’arrivée de Friedman et Menza marque un tournant dans le son et les compositions du groupe. Les soli sont bien plus présents sur cet album que sur les précédents, les riffs s’accélèrent, la batterie devient plus claire, et les compositions gagnent en complexité. Bref, Megadeth devient plus technique.
Holy Wars … The Punishment Due en est l’illustration parfaite. Dès l’intro du morceau, on remarque les riffs ciselés et bien plus rapides qu’auparavant, synchronisés avec une basse bien présente et une batterie puissante. Si la première moitié du morceau est un thrash metal classique et efficace, la seconde, qui arrive après le bridge de milieu de morceau, annonce une déstructuration du titre, avec enchaînement d’instrumentaux dantesques et de riffs approchant du heavy metal. On retrouve aussi ce genre de structure dans Hangar 18, l’autre morceau légendaire de l’album, ou Five Magics et son solo final de toute beauté. Tous ces morceaux sont bien sûr animés par la voix nasillarde de Mustaine dont la hargne participe grandement à la qualité des morceaux et constitue l’un des éléments distinctifs du groupe.
Mais bien sûr, Megadeth balance aussi du thrash pur jus, à base de riffs carrés et de section rythmique solide. Dans ce domaine Tornado of Souls est l’un des meilleurs représentants : couplets efficaces, refrain à reprendre en cœur, et montée en puissance progressive. Bien entendu, il convient également de mentionner Poison Was the Cure qui contient aisément l’un des meilleurs riffs de l’histoire du metal, rapide et précis.
Avant le grand final, un ovni vient se glisser au sein de l’album : Dawn Patrol. Titre de moins de deux minutes, il se détache par son absence de guitare et sa basse rampante traversant le morceau. Mustaine récite son texte avec une voix grave et caverneuse qui accentue l’ambiance inquiétante du morceau. L’album se clôt sur Rust In Peace … Polaris, titre bien connu des thrasheurs, notamment pour son intro de batterie et son refrain doublé d’un superbe riff.
Réussite totale
Mais si Rust in Peace est entré au panthéon des meilleurs albums de metal, ce n’est pas seulement pour ses compositions. Les paroles et le design de la pochette et des clips participent également grandement à la réussite de celui-ci.
La pochette a été réalisée par Edward J. Repka, notamment connu pour ses nombreuses créations pour Megadeth mais aussi Death. On y voit Vic Rattlehead, la mascotte du groupe, en train d’expérimenter des choses sur un alien enfermé dans une capsule rouillée. On y voit également des hommes d’Etat japonais, américain, allemand, anglais et russe. La pochette fait bien entendu référence aux théories du complot concernant les extraterrestres, et notamment à l’affaire de Roswell. Le clip de Hangar 18 ne s’en cache d’ailleurs pas, puisqu’il a été conçu comme une mini-histoire montrant ce qui est supposé se passer dans ladite base.
En termes de paroles, Mustaine se dépasse pour Rust In Peace (dont le nom provient d’ailleurs d’un autocollant aperçu par Mustaine à l’arrière d’une voiture). De la critique amère des affrontements en Irlande du Nord (Holy Wars) aux théories du complot et autres secrets gouvernementaux (Hangar 18) en passant même par les conséquences douloureuses d’une rupture (Tornado of Souls), tout y passe. Le titre final, le sublime Rust In Peace … Polaris, dénonce quant à lui la dangerosité de la Guerre Froide, tout en faisant référence au missile nucléaire Polaris.
Rust In Peace s’est imposé dès sa sortie comme l’un des albums phares de 1990. Chef d’œuvre de composition et de paroles, l’album reste la clé de voute de l’œuvre de Megadeth, et un incontournable du thrash metal, voire du metal tout court. La bande de Mustaine n’avait enfin plus de raison de rougir face à Metallica, car elle aussi avait gagné sa place au panthéon des groupes légendaires.