Stella, une vie allemande raconte l’histoire vraie de Stella Goldschlag, une Juive allemande qui collabora avec le régime nazi entre 1943 et 1945 pour traquer les Juifs encore cachés à Berlin, causant ainsi la mort d’environ 3000 de ses congénères. Si elle fut arrêtée en 1945 et condamnée à 10 ans de détention dans les camps soviétiques, elle fut de nouveau condamnée à 10 ans d’emprisonnement à son retour à Berlin-Ouest, peine qu’elle ne purgea pas au titre de sa première détention. Le film retrace son histoire difficile à croire et pourtant vraie de victime et de collabo.
Un film beau à couper le souffle
Le réalisateur Kilian Riedhof raconte 5 ans d’une vie unique. Le film commence en 1940 dans l’insouciance d’une vie de chanteuse de jazz dans un groupe de passionnés décidés à vivre de leur passion. Mais l’étau se resserre de plus en plus autour des membres de la communauté juive, les forçant à user de 1000 ruses pour ne pas se faire attraper par la Gestapo et envoyer dans le camp de la mort d’Auschwitz. Stella rencontre Rolf, un jeune brule la mort qui joue avec les autorités pour leur échapper et récupérer de faux papiers à destination des juifs cachés en ville, contre de grasses rémunérations. Les 2 amants ne se rendent pas vraiment compte de la dangerosité de leurs manigances, jusqu’à leur arrestation en 1943 suite à la délation scabreuse d’une amie juive, de quoi donner des idées pour la suite. Tortures et humiliations ont tôt fait de leur faire changer de camp, après avoir été des sauveurs, ils se transforment en bourreaux en traquant les juifs cachés à Berlin. Le film de 2h se laisse le temps d’effectuer ce retournement total sans donner d’explications claires au delà de la souffrance psychologique et physique d’un enfermement pénible qu’aucun des 2 ne souhaite revivre. L’instinct de survie devient la priorité du couple infernal, leur occupation de chercheurs de juifs leur garantissant une impunité totale voire triomphante comme le montrent certains plans du film où le personnage de Stella savoure sa liberté au prix d’une traitrise sans vergogne contre les siens. Paula Beer est véritablement ensorcelante dans ce rôle ambigu, elle joue la femme libre et finalement radicale, celle qui assume ses choix dans un film à l’esthétique troublante. Car Stella une vie allemande montre le quotidien d’une ville plongée dans la dictature, où les habitants marchent d’abord nonchalamment dans les rues, ignorants de ce qui se passe, ou alors feignant de l’ignorer. Puis c’est le déluge de bombes et l’accélération des transports de masse vers les camps. Le film est rendu inconfortable par cette évocation sans jugement d’une métropole moderne. Chaque épisode du film se clôture par un long et lent fondu en noir, pas de coupure nette mais quelques secondes qui laissent les spectateurs en apesanteur. L’héroïne vit ses histories d’amour, elle déambule dans les rues, elle souffre, et les épisodes se suivent avec toujours le sentiment qu’un poids de plus en plus lourd va peser sur sa conscience. La vraie Stella va vivre avec ce poids toute sa vie, jusqu’à sa tentative de suicide en 1984 et sa mort en 1994. Elle est devenue aujourd’hui une personnalité ambiguë qui fait réfléchir sur l’implication de la population sur la solution finale, complice du régime et donc coupable.
Stella une vie allemande est un film qui bouscule, extrêmement bien réalisé et d’une grande finesse, porté par ses interprètes, un incontournable du début d’année 2024.
Synopsis: Stella, grandit à Berlin sous le régime nazi. Elle rêve d’une carrière de chanteuse de jazz, malgré toutes les mesures répressives. Finalement contrainte de se cacher avec ses parents en 1944, sa vie se transforme en une tragédie coupable. Inspiré de la véritable histoire de Stella Goldschlag.