James McTeigue, un pur yes-man

Si l’on retient les Wachowski comme scénaristes, en revanche on ne retient jamais le réalisateur du film, James McTeigue, et ce n’est pas très surprenant. Un assistant réalisateur, un technicien ou un réalisateur de seconde équipe ne fait pas forcément un bon réalisateur. La preuve: Roger Christian a réalisé la scène de la course de modules dans l’épisode 1 de Star Wars, La Menace Fantôme, et il a réalisé la purge Battlefield Earth.

T’as dit quoi à propos de mes tiffes?

Wally Pfister a été directeur de photographie pour Christopher Nolan jusqu’à The Dark Knight Rises, il a réalisé en 2014 Transcendance, un film qui n’est pas resté dans les mémoires (Pourtant produit par Christopher Nolan et avec sa smalah, comme Cillian Murphy).

Dans le cas de James McTeigue, il a été assistant réalisateur sur la trilogie Matrix des Wachowski. Après V Pour Vendetta, il a fait encore deux-trois films chapeautés par les Wachowski et Joel Silver, dont un co-écrit par Joe Michael Straczysnki, Ninja Assassin, puis quelques films en solo, que des nanars ou des navets.

Sa mise en scène est quelconque. Les seuls plans un tant soit peu corrects se comptent sur les doigts d’une seule main. Aucun plan vraiment mémorable, aucune finesse, ça cut très souvent (Un plan, une action), les scènes d’action manquent de lisibilité. La scène d’ouverture montrant Evey Hammond se faire interpeller puis sauver est bâclée, la voix de V sortant sa tirade compense à peine.

Pareil pour la scène de combat dans les égouts entre V et Peter Creedy, le chef de la milice secrète du gouvernement, le Doigt, et plusieurs soldats. C’est illisible, la chorégraphie (Pour peu qu’il y en ait une) n’est pas mise en valeur par le montage épileptique, seuls subsistent quelques plans cool comme les dagues qui virevoltent, mais c’est vraiment faible.

Il n’y a rien de cinématographique dans la mise en scène, la photographie ou le montage. Rien. On sent à peine la patte des Wachowski,

C’est dommage que Joel Silver et les Wachowski n’aient pas essayé de choisir un auteur pour la réalisation, et pourtant, ce ne sont pas les réalisateurs politiques qui manquent, comme Paul Greengrass et Oliver Stone (Il est libertaire, en plus, c’est un positionnemment qui flirte avec l’anarchisme et qui s’approche fortement du film)! Oliver Stone aurait sûrement fait un film plus intelligent et plus orienté politique et thriller qu’action. C’est dommage aussi qu’ils n’aient pas impliqué Alan Moore dans le processus créatif ou au moins fait le nécessaire pour entreprendre de le convaincre.

Paul Greengrass
Oliver Stone, la légende

Un Norsefire qui manque cruellement de substance

Le gouvernement fasciste d’Adam Sutler, le Norsefire, est dans le film un quasi-ersatz du régime totalitaire de Big Brother dans 1984 de George Orwell et son adaptation de… ben, 1984, réalisée par Michael Radford (et avec John Hurt, coïncidence!) avec des relents du IIIème Reich. Comme c’est subtiiiiiil!

J’ai en fait l’impression de revoir la pub pour les ordis Macintosh, commercialisés par Apple en 1984, réalisée par Ridley Scott, qui reprend 1984 d’Orwell. C’était il y a déjà 40 ans, la vache!

Chez Alan Moore, le GOAT

Le roman graphique d’Alan Moore et David Lloyd dépeignait, par l’intermédiaire du Norsefire, une dérive du gouvernement britannique autoritaire de la Dame de Fer Margaret Thatcher, avec un régime fasciste assumé par le Commandeur Adam Susan, mais pas caricatural et grossièrement décalqué sur le régime de tonton Adolf.

Le gouvernement est même une entité presque palpable, allégorisée par un corps constitué des bâtiments abritant chaque département désigné par des parties du corps (La Main, l’Oreille, la Voix, le Destin, etc.), comme si le gouvernement était un être vivant et vertébré.

Contrairement au film qui met un attentat bioterroriste comme le chamboulement qui a mené à l’ascension du Norsefire, la BD met en toile de fond une guerre nucléaire (Résultat d’une dispute entre les États-Unis, dirigés par Ted Kennedy, et l’URSS au sujet de la Pologne) qui a ravagé l’Occident et l’Afrique dans les années 80, sauf le Royaume-Uni. C’est logique, Alan Moore a écrit le scénario de sa BD au début des années 80, en pleine Guerre Froide. Cette guerre nucléaire a quasiment épargné l’Angleterre, mais s’est pris des retombées catastrophiques, comme des inondations et des pertes de nourriture, ce qui a permis au Norsefire de s’élever dans la sphère politique et d’accéder au pouvoir, à grand renfort de promesses électorales. L’Angleterre a réussi à se relever, mais pour le pire.

D’ailleurs, le Commandeur, bien qu’un dictateur froid et brutal, n’est pas un sociopathe. Il est solitaire et asocial, il croit vraiment au fascisme stricto sensu, à savoir la confiance en un homme providentiel, un guide pour la population, et plus tard dans le récit, il veut être aimé par son peuple.

Dans un passage à la fin, alors qu’il défile dans les rues de Londres, le Commandeur s’arrête pour se rapprocher des citoyens, au point d’ouvrir la portière de sa voiture et de tendre la main à la femme d’un de ses ministres qui s’approchait, juste pour lui serrer la main et taper la discute. Pas de bol, la femme, armée d’un pistolet, le blesse mortellement et il succombe à ses blessures à l’hôpital.

Chez les Wachowski

Le film entend moderniser le contexte et le régime. C’est raté.

Déjà, j’ai du mal à croire qu’un attentat terroriste (même avec des armes chimiques) puisse être à l’origine d’un passage à un régime totalitaire.

Ensuite, le chancelier Sutler est un poncif du despote. Il n’a aucun état d’âme, une caractérisation primaire et superficielle. Il meurt capturé et assassiné par Peter Creedy, qui veut prendre sa place comme chancelier d’Angleterre. C’est moins digne d’un dictateur, quoi.

On croirait voir Hitler (Voire Adenoid Hynkel) et le IIIème Reich. Très contradictoire pour une envie de modernisation. Il n’existait pas de dictateurs ou politiciens autoritaires au début des années 2000? Ce ne sont pas les exemples qui manquent: Mouammar Kadhafi, Bachar El-Assad, Saddam Hussein, l’ayatollah Ali Khamenei, Ariel Sharon, Kim Jong-il, Hugo Chavez, Jiang Zemin, Hu Jintao, etc.

Comme si Tony Blair (qui était premier ministre du Royaume-Uni à l’époque de la production et de la sortie du film) était un méchant facho à tendance nazie!

Est-ce que je suis pas gentil?

Et ça valait bien le coup de détourner la Croix de Lorraine, symbole de la Résistance et du général De Gaulle contre l’occupation nazie en France, pour en faire un symbole fasciste! Ah bah si, c’est quasi exactement la même croix!

Pour le reste, c’est très peu développé, il manque des personnages importants, Prothero est évincé très rapidement et sous-exploité, V planifie ses attentats avec moins d’organisation (Le Parlement est censé sauter au début, le métro piégé est censé faire péter le 10 Downing Street) et il est moins mystérieux. Il devrait avoir un peu autre chose à foutre que de faire un toast et des œufs de bon matin.

Où qu’elle est, l’anarchie?

Avant toute chose, il est crucial de connaître l’importance entre anarchie et chaos. Le chaos est une conséquence potentielle de l’anarchie, l’anarchie est un concept politique qui implique une absence d’autorité, sans nécessairement mener au chaos.

Ce n’est pas un scoop, Alan Moore est anarchiste, et son positionnement se ressent dans V Pour Vendetta, qui est un cas d’école de la représentation de l’anarchie.

Le film, en revanche, ne parle même pas d’anarchie, mais seulement de liberté. Très original.

V est dépeint dans le film en tant que résistant et combattant pour la liberté avec de l’empathie, alors que la BD le dépeint comme un tueur redoutable.

Alan Moore est ambigu dans ses représentations du fascisme, représenté comme autoritaire mais plutôt humain, et de l’anarchie, représentée comme implacable, et met en conflit deux concepts politiques diamétralement opposés. Les Wachowski et James McTeigue, au contraire, montre les fascistes comme des grands méchants vilains pas beaux et V comme la figure du gentil résistant qui lutte pour la liberté.

Les allitérations en V, balèze!

C’est un point fort mineur dans le film et présent dans une seule scène, mais il mérite tout de même d’être souligné.

Dans la ruelle, lorsqu’il sauve Evey des agents du Doigt, V sort une tirade avec des allitérations en V, absente de la BD d’Alan Moore, donc une belle trouvaille des Wachowski!

Si Hugo Weaving prononce sa tirade avec élégance, il se trouve en outre que la VF s’en sort très bien, et pour cause: V porte un masque, ainsi l’adaptation bénéficie d’une grande flexibilité, sans bouche et donc sans contraintes liées au mouvement des lèvres, du pain béni pour Marie-Christine Chevalier, l’adaptatrice des dialogues, Michel Derain, le directeur artistique du doublage, et bien évidemment Féodor Atkine, la voix de V, qui retranscrit le texte finement adapté avec la même élégance que son homologue anglophone.

Conclusion

À présent, je comprends mieux pourquoi Alan Moore déteste les adaptations de ses œuvres.

Synopsis

Dans un futur proche, après un attentat bioterroriste, l’Angleterre est sous le joug d’un gouvernement fasciste dirigé par le chancelier Adam Sutler (John Hurt). La jeune Evey Hammond (Natalie Portman) viole le couvre-feu et se fait interpeller par des agents du Doigt, la police, puis sauver des flics par un homme mystérieux vêtu d’une cape et d’un masque à l’effigie de Guy Fawkes. Son nom: V (Hugo Weaving).