Rodrigo Sorororyen réalise un thriller tendu et prenant dans une ville en proie aux tensions en plein été 2011. La chaleur accablante, les manifestations sur la place de La Puerta del Sol et la visite du pape Benoit XVI exaltent les passions estivales. C’est dans ce contexte particulier que deux policiers enquêtent sur un tueur en série de vieilles dames. Entre les appels à la discrétion de la hiérarchie, l’urgence de stopper les meurtres horribles et les tensions personnelles exacerbées, les détectives Velarde (Antonio de la Torre) et Alfaro (Roberto Alamo) sont mis à rude épreuve. Le réalisateur privilégie un réalisme sans fard, très cru et sanguinolent pour susciter le trouble et emporter les spectateurs dans un tourbillon de sentiments contraires. Les protagonistes deviennent peu à peu des anti-héros magnifiques, tiraillés par leur humanité minuscule.
Une enquête retorse
Le film tourne entre deux enquêteurs aux profils diamétralement opposés. Antonio de la Torre interprète un enquêteur bègue aux tendances presque autistiques et visiblement mal assuré, mais également doté d’un vrai flair de fin limier. Son collègue Alfaro respecte ses méthodes, lui beaucoup plus brut de décoffrage et capable de dégoupiller violemment à la première occasion. Ce duo mal assorti découvre petit à petit que le premier meurtre découvert est loin d’être isolé. Là où les collègues par trop débonnaires ont été incapables de relier des évènements apparemment isolés, ils tracent le portrait d’un serial killer capable de frapper n’importe où. Le rythme du film varie entre plages de calme et fulgurances, surprenant le spectateur sans qu’il ne puisse jamais s’y attendre. Loin de suivre un long fleuve tranquille, Que dios nos perdone privilégie les variations énigmatiques, ouvrant le spectre du film à de multiples intrigues secondaires. Alfaro figure le chien fou entre pitbull et taureau déchainé, Velarde semble reclus dans son monde intérieur. Le feu et la glace font alliance pour confondre la crapule qui s’attaque à des vieilles dames sans défense.
Une ambiance sordide
Tout l’attrait du film réside dans cette atmosphère glauque qui rappellera celle du Seven de David Fincher à beaucoup, mais en faisant l’économie des effets hollywoodiens. Que dios nos perdone privilégie l’épure sans caméra tournoyante ou effets stylistiques. Et quand l’intrigue quitte l’impasse dans laquelle sont enfoncés les enquêteurs pour suivre l’immonde crapule dans un de ses méfaits, la perspective est totalement inversée. Car loin d’avoir tous les atours typiques du criminel assoiffé de sang, la crapule est avant tout un schizophrène atteint de troubles liés à l’enfance. Un quidam invisible et transparent qui déverse son mal être dans une violence soudaine et incontrôlable. L’anonyme sans histoires est au centre de l’attention de détectives perclus de problèmes personnels et en cela potentiellement plus dangereux que leur cible. Le film se suit d’abord comme une énigme retorse avant de se changer un thriller haletant avec un étau qui se referme sur tous les personnages. La frontière entre bien et mal devient de plus en plus ténue, ce que le dénouement final confirme.
Après 2 heures d’enquête, le film se finit sur une impasse. La frontière fine devient complètement trouble avec ce constat fatal. Détectives et criminels sont confrontés une impossibilité totale de trouver la paix, unis en cela dans dans un cul de sac existentiel.