I Know This Much Is True est un roman fleuve (900 pages) écrit par l’américain Wally Lamb, publié en 1998, paru en France sous le titre La Puissance des vaincus. L’histoire, complexe, est centrée sur deux frères jumeaux, Dominick et Thomas. Naviguant entre passé et présent, entre l’enfance des jumeaux dans les années 50 et leur vie adulte dans les années 90, le roman fait également découvrir sous forme de journal intime la vie de leur grand-père Domenico, de son émigration de la Sicile vers les Etats-Unis à son installation dans la ville fictive de Three Rivers où se déroule l’histoire.
Les droits ont été acquis par HBO en 2018 et le livre est adapté en une mini-série de 6 épisodes, disponible sur HBO (OCS en France). La série est écrite et réalisée par Derek Cianfrance, à qui l’on doit Blue Valentine et The Place Beyond the Pines, deux œuvres marquantes qui frappaient déjà par de nombreux allers et retours entre passé et présent afin d’étayer intimement la vie des personnages principaux.
Un drame intime au cœur d’une famille meurtrie
L’histoire des jumeaux Thomas et Dominick est marquée par une série ininterrompue de drames et d’épreuves, dont la source est, selon l’auteur, à rechercher dans le passé de la famille et notamment ce patriarche sicilien aussi odieux que fier. De vrais jumeaux pourtant si différents, puisque nés à quelques minutes d’intervalle mais qu’une année sépare (l’un est né le 31 décembre, l’autre le 1er janvier). Thomas développe peu à peu une schizophrénie paranoïaque qui le conduit à une vie en internement et à un terrible geste d’auto-mutilation dont la brutalité et la violence sèche marquent les premières minutes de la série. Dominick, malgré sa vie intime déchirée par plusieurs drames incurables que nous découvrirons au fur et à mesure, va tenter l’impossible : se maintenir à flot tout en faisant le choix d’empêcher ce frère jumeau, qu’il aime autant qu’il déteste, de sombrer.
C’est bon pour le moral
Autant vous prévenir tout de suite, I Know This Much Is True est à réserver à un public averti. La vie fracassée de ses personnages principaux est une longue succession de tragédies, dont chaque nouvelle épreuve porte un coup de poignard au lecteur/spectateur. Il est parfois difficile de poursuivre le visionnage tant on est malmenés, secoués et vidés de toute énergie. De la joie, il y en aura peu dans I Know This Much Is True, et pourtant c’est un message d’espoir que la série nous livre, en suivant le parcours d’un homme détruit qui parvient tant bien que mal à rester vivant. Certaines critiques ont reproché à la série d’être un peu trop complexe, et c’est pourtant ce qui fait toute sa force. L’écriture des personnages est d’une précision rarement atteinte, tant pour les frères jumeaux que pour tous les personnages secondaires : le beau-père tyrannique que l’on voudrait détester mais que l’on finit par apprécier malgré nous, l’ex-épouse qui tente elle aussi de surmonter ses drames, l’assistante sociale dévouée corps et âme à ses patients.
Mark Ruffalo au sommet de son art
La série doit autant à une ré-écriture fidèle au roman, ayant la plupart du temps choisi les bonnes coupes, qu’à son acteur principal. Mark Ruffalo porte de bout en bout les six épisodes, interprétant les frères jumeaux Thomas et Dominick avec un talent inouï, une sensibilité et une finesse inouïe. On peut saluer la prouesse physique, en effet l’acteur a tout d’abord tourné intégralement les scènes de Dominick. Il a ensuite pris 20 kg en 6 semaines avant de tourner les scènes de Thomas, renforçant l’aspect documentaire de la série tant le physique se rapproche de celui des patients schizophrènes recevant un lourd traitement. Si le coup du double rôle n’est pas unique au cinéma ou à la télévision (Armie Hammer dans Social Network, James Franco dans The Deuce), Lisa Kudrow dans Friends), la performance de Mark Ruffalo est unique tant on a l’impression d’avoir affaire à deux personnes que tout oppose, physiquement comme mentalement. Une performance totalement habitée, sans doute la plus intense d’une carrière déjà ponctuée de rôles inoubliables.