Alors que le BRIFF bat son plein au cœur de la capitale belge, nous avons rencontré Céline Masset, programmatrice de ce festival de cinéma à la diversité de sélection assez rafraîchissante. De quoi faire du bien aux cinéphiles qui passent par une Bruxelles particulièrement ensoleillée, encore plus aux alentours du chapiteau du festival.

Pourriez-vous nous raconter votre arrivée au BRIFF ?

On est arrivés au BRIFF parce que ça fait 27 ans qu’on organise le Brussels Short Film Festival et c’est la même équipe qui organise le BRIFF. On avait aussi organisé pendant une petite dizaine d’années le Be Film Festival, qui était un festival de longs-métrages consacrés au cinéma belge. À un moment, on a eu envie de passer aux longs-métrages avec une dimension internationale. On a attendu que certains festivals existants, généralistes, autour du long-métrage à Bruxelles, s’arrêtent. On ne voulait pas entrer en concurrence et créer un nouvel événement alors que d’autres coexistaient. À un moment, il y a eu cette opportunité, on a sauté dessus et on a organisé la première édition du BRIFF en 2018.

S’il fallait résumer l’enjeu du festival, comment le feriez-vous ?

Ce qu’on essaie de proposer, c’est vraiment une diversité dans la programmation pour une diversité des publics. C’est vraiment aussi rendre le cinéma et le festival accessibles au plus grand nombre. Donc on va travailler à l’intérieur de la programmation des axes assez différents. On va faire des propositions d’un cinéma parfois plus exigeant, comme dans la Director’s week par exemple ou la compétition. On va aussi aborder certains films du patrimoine, en collaboration avec la cinémathèque de Bologne. On veut également mettre le cinéma national à l’honneur, c’est le rôle du festival. À côté de ça, on va amener une programmation et des films plus mainstream. Cela ne nous dérange pas de faire le grand écart car on veut accueillir un maximum de public. On se dit aussi que nous, en tant que spectateurs, on peut avoir plusieurs envies et casquettes de cinéphiles.

Quel regard portez-vous sur la sélection de cette année, assez riche à mes yeux ?

Il y a différents facteurs, il y a parfois des conjonctions. On ne fait pas complètement tout ce qu’on veut. Cette année, on a peut-être eu plus de libertés et de choix que d’autres années. Il y a peut-être aussi le fait qu’au fur et à mesure des années, on convainc peut-être des vendeurs et des distributeurs de mettre leurs films chez nous et tant mieux ! C’est vrai que cette année, on est super contents d’avoir autant d’invités qui viennent rendre visite au festival que dans la sélection. C’est vrai que pouvoir présenter «Émilia Perez », « Kinds of Kindness », « Marcello Moi » et « To the Moon » dans un tout autre registre en clôture, ou encore « Le procès du chien » en ouverture, permet de supers rendez-vous, et j’en oublie ! On a déjà eu Michel Franco plusieurs années mais on est très contents de la programmation cette année.

Comment percevez-vous l’évolution du festival ?

D’abord, il fallait fixer rendez-vous aux gens donc c’était ça le challenge aussi. Même si on avait des gens qui nous connaissaient par le Brussels Short Film Festival, que ce soit dans la profession ou les partenaires, et qu’on ne partait pas de rien, c’est vrai que le seul rendez-vous que l’on donnait était au niveau du cinéma belge. On voit l’évolution car il y a une fidélisation. Le grand public vient, achète des places et des pass. Ce ne sont clairement pas des professionnels qui viennent donc pour nous, c’est une vraie réussite. On a toujours eu des chouettes invités mais j’ai l’impression qu’ils sont beaucoup plus en nombre cette année. Les professionnels aussi car il y a tout un volet industrie, un marché de coproduction. On sent aussi qu’il y a un intérêt de gens qui viennent de toute l’Europe présenter un projet à la recherche de coproducteurs. Ce sont tous des signaux qui montrent que les gens attendent le rendez-vous.

La Belgique comporte de nombreux festivals reconnus à l’international comme le FIFF, le BIFFF, le Love International Film Festival, Anima et RamDam. Comment voyez-vous le secteur du festival cinématographique dans notre plat pays ?

Je trouve ça super intéressant parce que chacun propose des choses différentes ou dans des villes différentes ou à des périodes différentes. On n’entre pas en concurrence mais on est complémentaires. J’imagine qu’un tournaisien ne viendra pas si facilement à Bruxelles et inversement. Que le Ramdam existe et nous aussi, avec des gens qui peuvent également voir de l’animation en février à Anima, cela n’empêche pas de venir nous voir au mois de juin. J’aime bien ces propositions de rencontres, de films qu’on ne peut pas forcément voir ailleurs aussi… La Belgique est une terre de festivals. C’est la même chose aussi en musique. Je ne suis pas dans le milieu de la musique mais je crois que les festivaliers ont un choix avec la possibilité d’en faire plusieurs et je crois qu’on est reconnus pour cette terre de festivals et tant mieux.

Comme déclaré plus haut, votre festival met en avant le cinéma belge, qui s’enrichit continuellement de premiers et seconds films… Quelle sensation éprouvez-vous avec cette nouvelle vague ?

C’est un vivier de fou ! Cette année particulièrement, il y a énormément de femmes réalisatrices qui viennent présenter leurs films. Au départ, ce n’était pas un choix éditorial mais on a eu plein de films réalisés par des femmes et on a eu envie de les montrer au vu de leur qualité. Je trouve qu’il y a un nouveau ton aussi avec des sujets forts. Il y a des propositions de films de genre qu’il y avait peut-être moins avant. Les gens essaient et profitent d’une grande liberté. Après, peut-être que c’était déjà le cas avant mais en tout cas, cette génération qui arrive est armée, elle s’accroche à des sujets importants avec parfois un mélange d’humour. Je trouve qu’il y a à chaque fois plusieurs axes. Si on parle par exemple du film de Michel Jacob, « Les enfants perdus », on est clairement dans un film autour d’un vrai problème familial mais tourné avec les codes du genre. Je trouve ça génial. Dans les documentaires présentés à côté de ça, on va traiter de certaines thématiques sur le racisme, la religion, l’émancipation et la transmission avec beaucoup d’humour et de légèreté aussi. Je trouve que c’est une vraie prouesse et j’adore ces propositions de cinéma.

Enfin, y a-t-il un point du festival sur lequel vous souhaiteriez revenir en particulier ?

Je pense qu’on parle forcément énormément de cinéma -et c’est normal car il s’agit d’un festival de cinéma- mais ce qu’on aime aussi, c’est l’aspect convivial qu’on essaie de mettre également en avant. On est ici au chapiteau, tout le monde peut venir prendre un verre. L’objectif est de pousser les gens à venir, même s’ils ne vont pas voir un film en salle. Ils vont peut-être découvrir le programme. On est au milieu de la place De Brouckère, au milieu de la ville, on a la chance de pouvoir mettre une brasserie et des séances en plein air. N’ayez pas peur, ouvrez les portes et venez vous balader dans la programmation.

Merci à Céline Masset ainsi que Jean-François Pluijgers du BRIFF pour cet entretien