Critique : Une chose particulièrement rassurante avec l’évolution des mœurs est la façon dont on adresse plus régulièrement la façon dont les hommes sont écrasés par une certaine imagerie de la virilité. Ainsi, savoir qu’on peut arrêter d’imposer aux nouvelles générations le poids d’une virilité toxique permet de mieux respirer, et à certaines personnes considérées comme trop sensibles, trop empathiques, bref pas assez « mâles », d’exister telles qu’elles le souhaitent. Une œuvre aussi puissante que « The Iron Claw » devrait alors perpétuer ces réflexions, d’autant plus au vu de la tragédie subie par les frères Von Erich. Savoir que l’un d’entre eux a dû être retiré de la fiction pour que le drame ne soit pas trop écrasant est assez significatif du ton du film de Sean Durkin.

« Iron Claw » prend le temps d’installer sa famille et l’importance du catch dans leur développement, aussi bien individuel qu’en tant que groupe social. L’imagerie de ce sport et le besoin de se conférer une force visuelle souligne bien le tiraillement de ses protagonistes, d’autant plus quand un mal-être émotionnel va s’insérer dans une mécanique déjà rouillée, imposée par un père cherchant à vivre par procuration le succès de ses enfants. La dramaturgie va alors s’appuyer encore plus, renforçant un poids inévitable qui va détruire tous les membres Von Erich, le tout appuyé par une mise en scène des plus réussies. Un plan miroir confrontant Kevin à son échec dans l’obtention de la ceinture tant espérée renforce une perception de défaite permanente, tandis que la gestion de la lumière confère à certains rares instants une forme de respiration à des protagonistes moralement en apnée.

« Iron Claw » s’avère sans surprise un des films à découvrir cette année par sa façon de traiter d’une masculinité en quête de repères et toxifiée par le poids du père. Il s’avère d’autant plus indispensable d’interroger l’héritage de ces générations marquées pour éviter de retomber dans une malédiction du mâle : celle de devoir se montrer dans une virilité absolue sous peine de se laisser consumer par son mal-être. Si on ajoute à cette réflexion forte émotionnellement une écriture au couteau (une certaine réplique dans les dernières minutes parvient à déchirer le cœur) et un casting exceptionnel (Zac Efron y trouve son meilleur rôle), « The Iron Claw » constitue un très grand film d’autant plus essentiel en tous points.

Résumé : Les inséparables frères Von Erich ont marqué l’histoire du catch professionnel du début des années 80. Entraînés de main de fer par un père tyrannique, ils vont devoir se battre sur le ring et dans leur vie. Entre triomphes et tragédies, cette nouvelle pépite produite par A24 est inspirée de leur propre histoire.