Critique : Remarqué à Cannes et récompensé du prix Jean Vigo du meilleur long-métrage, « L’engloutie » débarque enfin dans nos salles, et ce avec une excellente réputation. Heureusement pour nous, celle-ci est à la hauteur de ce superbe film, profitant notamment de ses décors naturels. Ainsi, l’isolement ressenti par ceux-ci et la présence de cette neige étouffante instaure directement une ambiance qui pourrait frôler le fantastique. La blancheur des lieux accentue en ce sens un revirement de monde, une bascule qui va être le moteur narratif du récit par cette fausse pureté et vraie mise à l’épreuve de ses personnages mais surtout de ce village-monde éloigné dans les montagnes.

La quête d’Aimée (excellente Galatea Bellugi) va dans le sens de cette évolution sociale, de la confrontation de l’apprentissage scolaire aux croyances locales. Ce rapport se retrouve notamment dans une séquence confrontant deux visions de la transmission d’histoires, « enfermé » dans un cahier ou verbalisé encore et encore, comme s’il était impossible de concilier les deux. C’est une friction thématique forte, qui ne va pas dans la facilité mais suit un périple narratif passionnant, bien soutenu par les choix visuels de sa réalisatrice. La mise en scène de Louise Hémon impressionne, d’autant plus sur un premier long-métrage qui sait comment distiller l’étouffement par son cadre carré et surtout jouer de son atmosphère par ses compositions. On se laisse ainsi prendre par son sens du plan, avec subtilité et respirations pour mieux souligner ses conflits riches de sens et de corps.

C’est toujours un plaisir de découvrir un beau premier long-métrage et c’est le cas d’« Engloutie », aussi bien porté par son impeccable actrice principale que par sa réalisatrice dont le talent transparaît à chaque image. Louise Hémon parvient à cristalliser brillamment les doutes de cette bascule vers l’évolution avec force, poésie et atmosphère. En espérant que sa sortie pour les fêtes suscitera assez d’engouement comme il le mérite, voilà un film français qui rappelle l’éclat absolu des nouvelles générations de réalisateurs et réalisatrices en pleine possession de leur art.

Résumé : 1899. Par une nuit de tempête, Aimée, jeune institutrice républicaine, arrive dans un hameau enneigé aux confins des Hautes-Alpes. Malgré la méfiance des habitants, elle se montre bien décidée à éclairer de ses lumières leurs croyances obscures. Alors qu’elle se fond dans la vie de la communauté, un vertige sensuel grandit en elle. Jusqu’au jour où une avalanche engloutit un premier montagnard…