Un classement épineux et personnel: mes 10 films préférés depuis 1986. Pourquoi 1986? Il fallait choisir une date pour sortir des sempiternels classements décennaux. Je les ferai, certainement plus tard. Classements de mes films préférés des années 70, 80… pour l’instant, je joue la transversalité et je me restreins. 10 films, pas 5, pas 20. Histoire de faire ressortir la substantifique moelle du cinéma contemporain avec un peu de chaque décennie. Je vais me contenter de citer les films sans les classer forcément, la première difficulté est bien suffisante, pas besoin d’en rajouter une seconde. C’est parti pour mon classement personnel des 10 films que j’ai eu la chance de voir et d’adorer depuis 1986.
Mulholland Drive: David Lynch livre un film à tiroirs, retors et énigmatique. Qui sont ces deux héroïnes aux rapports si énigmatiques? Quel est le pouvoir mystérieux de cette petite boite bleue? Qui sont tous ces personnages secondaires truculents et abscons? Le film a été monté une fois l’idée de série abandonnée, d’où l’existence de nombreuses impasses pas suffisamment exploitées par le réalisateur. Reste un voyage onirique dans le mythe hollywoodien avec ces stars interchangeables et ces rapports humains fluctuants. Naomi Watts et Laura Harring font des héroïnes difficilement cernables… et mouvantes… Chacun a son explication du film, moi j’ai la mienne et elle tient plutôt pas trop mal la route. Le renversement est une thèse qui apporte des éclaircissements souvent pertinents… mais chut… SIlencio!
Eyes Wide Shut: Le film testament de Stanley Kubrick ne déroge pas à la règle qu’il s’était fixée. Pas d’évidence, des niveaux de compréhension divers et des mystères à foison. Tom Cruise et Nicole Kidman font un couple perdu devant les arcanes folles de la vérité. Quand l’héroïne livre à son mari ses fantasmes secrets, elle le laisse déboussolé et hagard. Il tente alors d’assouvir les siens avant de se retrouver dans une situation bien compliquée. Mise en scène au cordeau et couleurs foisonnantes pour un film qui se laisse regarder plusieurs fois pour échafauder toujours plus de thèses… un film qui ne se laisse pas facilement appréhender et qui peut même repousser. Pourtant le jeu vaut bien la chandelle et le parcours nocturne du héros recèle de nombreuses références mythologiques et cabalistiques… à découvrir!
Tinker, taylor, solfier, spy (alias La Taupe): Un film d’espionnage adapté de John Le Carré, retors et obscur, il faut plusieurs visionnages pour mieux le cerner, ce qui peut user les patiences… mais Gary Oldman, Mark Strong et Colin Firth livrent des partitions magistrales pour un mystère épais comme un roman d’espionnage. Est et Ouest se volent leurs secrets avec un luxe de méticulosité jusqu’à perdre leurs adversaires. Le film enchaine les chausse trappes pour des renversements inattendus et une intrigue fascinante. Le film hypnotise par son rythme langoureux et ce luxe d’expressions sur des visages irrémédiablement renfermés. Et puis cette scène finale avec La Mer chantée par Julio Iglesias, ça vaut tous les efforts du monde. Quant à Gary Oldman, il confirme que c’est un acteur d’exception et son personnage de Smiley est un modèle du genre. Mieux que James Bond?
The Social Network: David Fincher adapte un ouvrage consacré à la la saga Facebook et donne à Jesse Eisenberg un de ses meilleurs rôles. En Mark Zuckeberg, il est irritant à souhait et énigmatique pour une prestation qui fait date dans l’univers des biopics. Le montage du film enchaine les morceaux de bravoure comme cette course d’aviron shakespearienne ou ce repas avec Justin Timberlake en Sean Parker. Le film fascine par cette accumulation de phrases lâchées à la mitraillettes et cette irrésistible conquête du monde. Facebook est comme une toile obscure qui doit absolument recouvrir la planète pour satisfaire son créateur. Démiurge surpuissant, il ne s’embarrasse pas de qu’il considère comme des détails pour tracer sa route, que ce soit des amis ou des concurrents. La mise en parallèle des 2 procès avec l’élaboration du site est une merveille de récit didactique. Le chef d’oeuvre de David Fincher, et pourtant il en a fait, des films mémorables.
Birdman: Inarritu conquiert le monde et les Oscars avec ce film à nul autre pareil. La caméra suit en un long plan séquence une troupe de théâtre qui doit monter sur scène pour la première. Une ancienne star de blockbuster porte le projet à bout de bras, investissant économies et sueur dans l’adaptation d’une pièce obscure de Raymond Carver. Le film est une performance technologique autant qu’une perle scénaristique. Les dialogues s’enchainent dans un foisonnement de révélations et d’arguments rageurs. Le film se suit comme une pièce de théâtre matinée de science fiction et tous les acteurs sont au diapason. Naomi Watts, Ed Norton, Emma Stone et surtout Michael Keaton livrent des prestations inoubliables. Pour avoir vu le film au moins 10 fois, je fdis dire qu’on en découvre un peu plus à chaque fois…
The Dark Knight: Le blockbuster ultime, parfait, intense et profond. Batman est confronté à son némesis ultime, ce Joker imprévisible à la logique si particulière. Le réalisateur Christopher Nolan inscrit cet épisode dans son époque, toxique et nauséabonde. Les gangsters eux mêmes sont pris au piège d’un Joker sublimement interprété par le regretté Heath Ledger. Son déguisement et son maquillage sont au niveau de ses actions destructrices, éprouvantes et surprenantes. Batman doit franchir la ligne rouge pour vaincre son ennemi. Chacune des répliques du Joker est rentrée dans la légende, du Why so serious jusqu’à How about a magic trick? Un blockbuster pour adultes, fascinant et inattendu. Une perle qui dépasse les clivages entre héros enfantins et films matures. Ce Dark Knight est tout public et fait passer les super héros dans une nouvelle dimension.
A la merveille: Terrence Malick peut fatiguer en laissant virevolter sa caméra de longues minutes avec une musique sirupeuse et une économie de dialogues. La voix off accompagne l’action avec des pensées égrenées au fil de l’eau. Mais quand ça fonctionne, on touche au sublime. Malick livre ici un film fascinant et les images, la musique, les mines des acteurs, tout concourt à faire voyager le spectateur dans de multiples mondes intérieurs. Les intentions de Malick se fracassent parfois contre un obscurantisme scénaristique qui peut rebuter. Mais voir Rachel McAdams et Olga Kurylenko voguer sur les images du réalisateur touche… à la merveille. Le récit s’élève à l’universalité avec ces personnages perdus, perclus de questions sans réponses. Le récit est une invitation à l’introspection, à la prise de conscience de soi et des autres. Plus qu’un film, un poème mis en image, une séance de psychanalyse animée…
Casino: MartinScorsese ressasse toujours les mêmes obsessions. La famille, le respect, l’amitié, il en donne une partition puissante et définitive dans Casino. Le dernier film de l’ère De Niro avant l’éclosion de DiCaprio permet au réalisateur et à l’acteur de donner le meilleur d’eux mêmes. Sorte de redite approfondie des Godfellas, Casino multiplie les personnages tragiques dans un récit didactique et passionnant. Les arcanes du monde de la mafia sont expliquées avec un luxe de détail mais la rigueur mafieuse est mise en danger par le personnage de Joe Pesci. Imprévisible, psychopathe, le personnage donne une profondeur insondable au film. Le blanc et le noir, le Ying et le Yang, l’obscurité et la lumière, le film tourne autour des 2 pôles opposés. Comment survivre quand les règles du jeu peuvent être bafouées à tout instant. Peut être le film de Scorsese le plus accompli, pour ma part.
Les fils de l’homme: quand la science fiction rejoint les préoccupations de notre époque. Un homme est choisi pour conduire la seule femme enceinte de l’humanité en lieu sûr. Dans un monde sans naissances ni enfants, elle est la chose la plus précieuse au monde. La vision que donne Alfonso Cuaron d’une Angleterre transformée en monde ultra sécurisé où les immigrants sont pourchassés est effrayante. Clive Owen fait un héros très convaincant dans ses forces et ses faiblesses. Il accomplit sa mission sans même penser à lui, comme une quête qui le dépasse. La réalisation enchaine les plans séquences à couper le souffle pour un rendu dramatique hautement dérangeant. Avant Gravity, le réalisateur mexicain montre à quel point il sait faire naitre des sentiments profonds à travers une histoire distopique remplie de chausse trappes. L’odyssée est somptueuse et les moments de grâce inoubliables. Peut être ne marotte personnelle, mais ce film doit être découvert au plus vite!
Cloud Atlas: 8 acteurs interprètent 8 personnages dans 6 époques différentes. Le concept est aussi ambitieux que la réalisation est éblouissante. Taillé en pièce par la critique US, Cloud Atlas se révèle un film d’une densité inégalée. Les histoires sont montrées alternativement, un personnage pouvant rentrer dans une pièce dans une histoire pour sortir dans une pièce d’une autre époque le plan suivant. L’équilibre est parfait et l’intensité dramatique au summum. Les frères Wachowski réalisent un film de rêve à découvrir et redécouvrir encore et encore. Au départ, 2 visionnages sont nécessaires, tous les autres sont des friandises que l’esprit curieux ne peut s’empêcher de déguster à l’envie. Le film reprend l’histoire de l’humanité, les luttes de classes, les rêves de demain et les mondes futuristes avec une maestria à coupe le souffle. Un des films que je pourrais regarder tous les mois… tous les jours?
Voilà, une liste extrêmement subjective, sans films français et avec une très forte consonance anglo-saxonne. Peut être réfléchirais je à d’autres films demain ou dans un mois. Mais aujourd’hui 10 juin 2016, les 10 films depuis 1986 que j’ai envie de citer sont ceux-ci. Et vous?