La Conspiration du Caire se déroule pour sa plus grande partie au sein d’Al-Azhar, la principale université du Caire où l’islam sunnite trouve son épicentre. Le film montre l’importance du retentissement religieux auprès de la population du pays, d’où des tentatives répétées par le pouvoir politique de noyauter l’université pour y trouver des soutiens actifs. Le grand-père du réalisateur Tarik Saleh y a été admis, ce qui explique son envie de faire un film autour de cet univers secret et mystérieux. L’intrigue tourne autour d’un étudiant doué, mais innocent, pris au centre de forces qui le dépassent, bien malgré lui. C’est prenant et il faut s’accrocher pour suivre le déroulement. Le film a été présenté au Festival de Cannes 2022 et a obtenu le Prix du scénario.
Une révélation sur un système souterrain
Le film est une adaptation au monde musulman d’une intrigue qui pourrait très bien se dérouler en Occident. Tarik Saleh a lu Le nom de la Rose et l’idée a jailli dans son esprit. Un enfant jeune, doué et innocent est jeté dans la fosse aux lions au coeur d’intrigues qui le dépassent. L’Imam de l’université meurt, et une guerre de succession va se dérouler entre factions rivales. Mais le leader de l’armée veut orienter les débats et faire gagner son poulain. Adam, fils de pêcheur, a obtenu une bourse pour étudier à Al-Azhar. Et son talent va lui servir à déjouer les chausse-trappes. Le film n’a pas pu être tourné en Egypte, depuis Le Caire Confidentiel le réalisateur a des problèmes avec l’autorité locale. On comprend pourquoi, le film dévoile des forces obscures qui manoeuvrent les évènements dans un mystère profond. Le film ressemble à un quasi huit-clos où les étudiants évoluent comme dans un univers carcéral. Cantine, dortoir, cour, tout est régenté par des règles strictes pour mieux contrôler les jeunes esprits. Là où Le Caire Confidentiel pouvait être vu comme une attaque en règle contre une police corrompue, La Conspiration du Caire attaque la main mise étatique sur l’ordre religieux, avec des fonctionnaires au-dessus des lois, pas réticents à utiliser la torture ou la coercition pour s’imposer. Le réalisateur a retrouvé son acteur fétiche Fares Fares déjà à l’oeuvre dans The Contractor en 2022, Le Caire Confidentiel en 2017 et Metropia en 2009. Il est une fois de plus excellent dans un rôle de Colonel Ibrahim qui semble avoir connu tous les changements de régimes et continue à oeuvrer pour le pays. Après Moubarak, il est toujours là et continue de manoeuvrer des jeunes recrues innocentes. Et le jeune Adam est une sorte d’enfant miraculeux, assez stoïque pour ne pas plier, jusqu’à revenir à la fin dans son village natal. Une belle leçon de vie.
Le film est un thriller qui remplit les salles. Après 2 séances, force et de constater que la renommée du réalisateur n’est pas à remettre en cause. Autre culture mais même ambiance que chez John Le Carré, ça fait plaisir.
Synopsis: Adam, simple fils de pêcheur, intègre la prestigieuse université Al-Azhar du Caire, épicentre du pouvoir de l’Islam sunnite. Le jour de la rentrée, le Grand Imam à la tête de l’institution meurt soudainement. Adam se retrouve alors, à son insu, au cœur d’une lutte de pouvoir implacable entre les élites religieuse et politique du pays.