Je confesse avoir vu le survivor movie à l’américaine en premier la semaine dernière, très efficace et avec un James McAvoy toujours imprégné de son impressionnante musculature gagnée sur le tournage de Split. Le ton est très anglo-saxon, voire très américain, les 2 parents et leur fille invités par un autre couple et leur fils mutique ne sont plus des victimes consentantes mais des warriors qui se battent pour survivre. Sur la recommandation de la Team Culturaddict, j’ai vu par la suite la version dano-hollandaise beaucoup plus psychologique, tout en restant forcément très imprégné par la version anglo-saxonne encore chaude dans mon esprit. Les films ont des gros points communs, mais également de grosses différences, ce qui aboutit à la fin à 2 films vraiment diamétralement opposés. Alors mon article regorge de spoilers, tout lecture révèlera tous les twists des 2 versions, c’est voulu, vous êtes prévenus.

Une version américaine efficace

Aujourd’hui, je ne renie pas le spectacle offert par la version de James Watkins. Car le pitch reste toujours aussi séduisant, 2 couples anglais font connaissance lors d’une villégiature en Toscane, un couple en crise vivant à Londres avec leur fille, un couple très en forme avec leur fils atteint d’une malformation de la langue. Bonne ambiance, blagues continuelles, légèreté de rigueur, les londoniens sont conquis. Alors quand les seconds invitent les premiers à leur rendre visite dans leur cottage du Devon, les londoniens n’hésitent pas une seconde. Ils ne les connaissent pas très bien mais l’impression laissée en Toscane les incite à la confiance. Après tout, il est médecin, rigolard, gentiment hâbleur, et les enfants se sont bien entendus. Si le séjour commence sur de bonnes bases, petit à petit, le malaise s’installe, par touches imperceptibles. La femme invitée est végétarienne et elle est requise pour gouter l’oie sacrifiée pour le repas de toute la smala, elle s’exécute à contre coeur car elle ne veut pas offusquer les hôtes, les réflexions malvenues se multiplient contre les enfants qui agissent comme des enfants, donc souvent maladroitement, l’invitation à diner dans un très bon restaurant local se transforme en obligation à payer l’addition, là aussi le londonien n’ose pas réagir. Le spectateur sent que les londoniens sont de moins en moins à l’aise, ils aimeraient dire quelque chose, mais ils gardent tout pour eux. Jusqu’à ce qu’une nuit, la femme londonienne trouve les 2 enfants dans le lit des hôtes. Gros malaise, elle décide donc de quitter la maison aussitôt que possible. Mais la jeune fille a oublié son doudou, les londoniens doivent revenir. Et là, le drame. Les parents se rabibochent un temps et les enfants continuent leurs activités communes. Mais le jeune garçon fait même plus, il montre la cachette où ses parents gardent les trophées récoltés auprès d’autres couples venus les visiter. Le film jusque là plutôt sibyllin se transforme en survivor movie en huis clos uniquement dans le domaine de la propriété. Le couple de Londres doit lutter pour ne pas finir hâché menu (au figuré), je ne rentrerai pas dans les détails, ce n’est pas le plus intéressant. Coups de cutter, jets de détergent, c’est le fight et les gentils gagnent à la fin. Ce film est anglo-saxon, les enfants s’en sortent sans trop d’égratignures, ls ligne rouge n’est pas franchie. Une morale plus large n’a pas vraiment sa place, à part faites attention aux étrangers, je ne vois pas quoi dire de plus. Le film est juste efficace et ne prête pas vraiment à la réflexion.


Un film original plus tortueux

Comme dit au départ, j’ai vu le film original en second, nul doute qu’il m’aurait plus marqué si je l’avais vu avant l’adaptation de 2024. Le début est assez similaire, voyage en Toscane, rires, invitation en Hollande que les danois acceptent de bon coeur. Même ambiance bizarre à l’arrivée, l’oie est juste remplacée par un cochon que l’invitée danoise accepte de déguster à contre coeur. Le film est moins long que son adaptation (1h30 contre 1h50) et moins de détails sont disséminés concernant les invités danois. La version US explique que le mari a perdu son boulot, que son épouse a eu un flirt avancé, le malaise existentiel du couple prend plus de place. La version originale ne dit rien et se concentre sur l’instant, les 2 couples, le malaise des invités, l’attitude désagréable des hôtes. Le spectateur est invité à se faire sa propre idée. Comment réagirait-on si un autre couple dansait de manière lascive devant nous? Si les réactions étaient aussi violentes contre notre enfant? Laisser faire ou réaction calme/courroucée? Comme le film est plus hardocore, le fils des hôtes est retrouvé flottant dans la piscine, il se trouve que ce n’est pas leur fils mais celui de leurs dernières victimes. Et le couple danois est lapidé sans réaction ni tentative d’en réchapper. La morale du film est amenée par l’hôte belliqueux. A la question « pourquoi faites-vous ça? », il répond « parce que vous nous laissez faire ». Le réalisateur a dit qu’il critiquait ainsi l’attitude très scandinave de ne pas réagir dans une neutralité toujours de bon ton face aux évènements du monde, on peut aussi penser aux gouvernements anglais et français qui ont préféré signer les accords de Munich plutôt que de s’opposer à Hitler en 1938, le second conflit mondial aurait-il été évité dans le cas d’une opposition ferme à l’invasion de la Tchécoslovaquie? Le laisser faire serait donc potentiellement toxique avec des issues potentiellement léthales. La fin du film est vraiment hardcore et invite à une vraie réflexion, un peu plus que pour la version 2024.

Au final, avec des mêmes intrigues et même beaucoup d’éléments en commun, les 2 films sont très différents. Le film anglo-saxon montre la force de résilience cachée en chacun de nous, le film dano-hollandais interroge sur notre capacité à nous rebeller contre l’injustice. Le débat est ouvert…