Critique : Il est difficile de quantifier totalement l’importance du secteur sidérurgique dans le paysage économique wallon tant le milieu a été au cœur du quotidien de nombre d’habitants. Par contre, on ne peut pas ignorer l’ancrage fort que cela a eu dans l’histoire financière belge, notamment par les fermetures qui ont brisé tout un pan de la population. Il y avait donc un intérêt concret dans le documentaire proposé par Christine Pireaux et Thierry Michel, « L’acier a coulé dans nos veines » : la captation d’un chapitre social douloureux du plat pays au plus près de ses victimes.
Le film regorge ainsi de témoignages, des anciens ouvriers revenant sur l’historique avec un vécu douloureux tout en assumant totalement le côté chaotique des événements. Entre espoirs et désillusions, le trajet de la sidérurgie liégeoise a surtout connu le chaos d’humains considérés comme du bétail et d’un capitalisme déshumanisant. Cela se ressent lors de certaines séquences d’époque, notamment un enterrement dont le pathos nous paraît nécessaire pour retranscrire les bouleversements personnels derrière la grande histoire industrielle. On constate aussi des regrets, des accès de violence mais surtout le chamboulement d’un univers avec une empathie constante pour les employés détruits par la machine infernale de la rentabilité absolue.
C’est un cri du cœur totalement assumé qui ressort de « L’acier a coulé dans nos veines », entre témoignages et images d’archives cherchant à appréhender toute l’importance dans un hommage total pour les individus délaissés à force de luttes. L’illustration du combat social permanent que fut le secteur sidérurgique trésaille à travers le film de Christine Pireaux et Thierry Michel, appel à la mémoire pour que ces souvenirs ne partent pas dans la même fumée que celle des hauts fourneaux, laissant comme seules reliques de la période les évocations des travailleurs.
Résumé : Au travers d’images d’archives époustouflantes et de témoignages émouvants, Christine Pireaux et Thierry Michel retracent l’histoire du travail de l’acier, depuis ses prémices avec John Cockerill jusqu’à la mise à mort définitive du dernier haut fourneau en 2003. Ce haut fourneau, créature vivante insatiable de travail et de sueur, charrie derrière lui toute la sidérurgie liégeoise. Avant tout, le film rend hommage aux milliers de travailleurs qui ont vécu au rythme de son pouls, qui ont lutté corps et âme jusqu’au bout pour le maintenir en vie.