Critique : La bascule politique en cours depuis des années ne constitue au final qu’une étape de plus dans des événements qui se sont attaqués à toutes formes de contre-pouvoir. Ainsi, la défiance d’un Donald Trump envers les journalistes et la célébration du renvoi temporaire d’un humoriste pour des propos loin d’être scandaleux s’ajoutent à diverses histoires de rejets d’opposition à travers le globe, notamment grâce au pouvoir judiciaire. Voilà ce qui rend la lecture de l’essai de Sophie Lemaître, « Réduire au silence – Comment le droit est perverti pour bâillonner médias et ONG », essentielle dans une période politiquement troublée.
La façon de traiter le bâillonnement médiatique s’avère rapidement pertinente, multipliant les exemples mondiaux pour souligner la diversité de ces actions tout en abordant les défenses qui sont amenées. Ainsi, la juriste montre d’un savoir-faire pratique mais également d’explications directes, liant ces mouvements juridiques dans une même interrogation des libertés d’expression qui nous restent face au pouvoir en place. La manière de décrire ces attaques peut faire frissonner par la froideur administrative qui en ressort mais cela appuie d’autant plus la nature importante de s’y confronter et pouvoir interroger notre propre place dans cette structure, là où le mécanisme judiciaire oublie le plus important dans la question : l’humain.
« Réduire au silence – Comment le droit est perverti pour bâillonner médias et ONG » se doit d’être lu par tout le monde, ne serait-ce que pour pouvoir se faire sa propre opinion sur la restriction de plus en plus forte de la parole journalistique. L’essai est bien construit, assez court (plus de 250 pages) pour pouvoir toucher n’importe quelle audience, pratique (son dernier chapitre permettant d’expliquer certaines actions possibles en cas d’arrestation pour avoir exprimé son avis de manière factuelle) mais surtout essentiel par ce qu’il permet de nous offrir en outil de réponse dans cette période où les faits se voient dilués, malmenés et/ou évacués par la classe politique.
Résumé : Le premier essai consacré au « lawfare », ou guerre par le droit, phénomène qui nuit gravement à la démocratie.
En France et dans le monde, des méthodes d’intimidation inquiétantes ciblent les journalistes et défenseurs des droits humains. Les actions juridiques se multiplient envers celles et ceux qui nous informent sur des sujets d’intérêt général, dans un seul but : les réduire au silence. Tandis que les poursuites bâillons sont privilégiées par les entreprises et les personnalités influentes, des lois, comme celles contre le terrorisme et le blanchiment d’argent, sont détournées pour criminaliser certaines initiatives de la société civile.
De telles attaques entravent le débat public, le droit d’informer et celui d’être informé. Si elles se banalisent, notre société risque un contrôle accru et un affaiblissement des libertés fondamentales. Dans cet essai très documenté, la juriste Sophie Lemaître s’emploie à démontrer, grâce à de nombreux exemples édifiants, comment ces méthodes constituent une menace existentielle pour la démocratie et l’État de droit tels que nous les connaissons.