Critique : On a beau rêver devant des parangons d’héroïsme, nous sommes tous et toutes des losers. C’est un fait difficile à accepter mais chaque personne a déjà vécu une belle journée de merde, en se cognant un doigt de pied, en tombant dans une flaque, en se faisant éjecter de son emploi tout en voyant quelqu’un prendre sa place, en se lamentant d’une relation perdue qu’on ne récupérera jamais, en trébuchant devant tout le monde, … Les exemples ne manquent pas, mais est-ce qu’être un loser signifie nécessairement être un perdant ?
Voilà une bonne question pour Armande Pigeon, constamment la tête plongée dans la galère. Il y a quand même quelque chose d’héroïque à la voir persévérer, encore, encore et encore, chercher à trouver sa place tout en se trimballant de plan pourri en plan pourri avec un espoir permanent. Il faut louer ici la verve d’une María Cavalier-Bazan dans un rôle qui nécessitait une certaine finesse derrière l’énergie presque irréelle d’un long-métrage, pris dans un mouvement constant de faux surplace.

Lenny et Harpo Guit, déjà derrière l’excellent « Fils de Plouc », perpétuent une dynamique du tout, tout le temps, avec des visuels captant une autre Bruxelles, celle du quotidien et de la débrouille, magnifiant en un sens une fictionnalité du quotidien qui explose et submerge constamment. Il est difficile de rester de marbre devant les nombreux partis pris, mais cette audace permanente impose justement l’admiration, comme cette dynamique constante dans son héroïne qui joue encore et toujours malgré que la chance s’oppose constamment à elle.
N’y a-t-il pas lose plus magnifique que celle de la constante et d’une foi envers un avenir flou ? On peut clairement dire ça après avoir vu « Aimer Perdre », nouvel essai gagnant de Lenny et Harpo Guit, réussissant à filmer Bruxelles dans un geste permanent de cinéma qui s’autobouffe, continuant à tout faire comme une Armande Pigeon qui sait qu’un jour, quelque chose fonctionnera à force que tout plante. Et quand on est habitué à perdre au jeu de la vie, pareil film rappelle que la spirale peut encore continuer ou bien s’arrêter, peut-être, en mieux.
Résumé : Sans emploi et endettée jusqu’aux dents, Armande Pigeon, 26 ans, galère à Bruxelles. Par-dessus le marché, elle a un gros penchant pour le jeu et n’hésite pas à prendre des risques, car pour Armande, tous les paris sont bons. Tous sauf un, peut-être le plus fou auquel elle peine encore à se risquer : le pari de l’amour.
