Critique : Si les films de Yasujiro Ozu restent toujours aussi vivants des décennies après leur sortie, c’est sans doute par la sincérité qui se dégage au-delà d’une simplicité visuelle apparente pourtant des plus significatives. Voilà donc une raison du bonheur de découvrir ce « Gosses de Tokyo », sorti au cinéma par Carlotta qui en profite pour le diffuser en édition physique dans une édition comme toujours qualitative de leur part. Car, comme on le découvre assez rapidement durant notre visionnage, ce long-métrage conserve tout son intérêt artistique malgré qu’il approche de son centenaire.

La manière d’ancrer le récit dans un regard d’enfants amène une fausse naïveté qui va se retrouver rapidement confrontée à la réalité du monde, avec ses différences économiques et les confrontations sociales qui en résultent. La fraîcheur insouciante va alors laisser place peu à peu à une gravité qui renvoie bien à son fond thématique. L’injustice qui se déploie dans le regard de ces deux garçons va alors trancher et interroger, le tout avec un propos d’une grande justesse justement par sa quête d’humanité. Ainsi, jamais la comédie ne s’en va réellement mais la façon dont la dramaturgie parvient à maintenir un regard d’enfance avec une réalité familiale appuie une certaine tristesse subtile, comme ces moments de remise en question qui rendent un jour de soleil pluvieux intérieurement.

Avec un travail d’édition comme toujours à louer, Carlotta propose donc ce « Gosses de Tokyo » qui mérite largement la redécouverte dans le cinéma d’Ozu. C’est un film aux louanges multiples mais dont le principal à nos yeux est sans doute ce cœur battant d’honnêteté tout en se densifiant thématiquement et visuellement derrière sa fausse légèreté. C’est peut-être même une excellente porte d’entrée pour se plonger dans la filmographie de ce très grand réalisateur qu’on ne célébrera sans doute jamais assez.

Résumé : Un modeste employé de bureau vit dans la banlieue de Tokyo avec sa famille. Voyant leur père faire des courbettes à son patron, Ryoichi et Keiji lui demandent des explications. Face à sa réponse non satisfaisante, les deux garçons commencent alors une grève de la faim en signe de protestation…