Critique : Comme rappelé par le résumé de l’ouvrage du jour, James Gray est un des réalisateurs américains contemporains les plus intéressants et sans doute l’un des metteurs en scène « d’auteur » les plus connus du grand public. Il était donc temps qu’un essai francophone porte sur lui, ce qui est le cas de ce « James Gray – Sous le signe de Saturne », revenant sur sa filmographie complète avec des pistes thématiques aussi riches qu’intéressantes.
Il faut dire que Gabriella Trujillo sait comment visualiser ses réflexions, rappelant à diverses images marquantes du réalisateur pour mieux analyser les cœurs narratifs en son sein. Du rapport à des pères éclatés aux fissures d’un rêve américain illusoire, l’autrice décortique en esquivant une froideur analytique contreproductive et démultiplie les angles pour mieux capter un tout : la figure même de James Gray et le foisonnement de ses films. L’agencement général est aussi maîtrisé que les longs-métrages du réalisateur et permet de naviguer dans sa filmographie sans aucune sensation de perte tout en parvenant, petite ironie, à capter la sensation de perte qui irrigue son cinéma.
Par sa nature descriptive tout en conservant ce qui fait le sel du metteur en scène américain, Gabriella Trujillo offre avec « James Gray – Sous le signe de Saturne » une analyse riche, fluide et vibrante d’un réalisateur d’exception. On parvient à revisualiser ces instants qui marquent dans sa filmographie tout en décollant des couches thématiques avec une finesse intellectuelle qui fait plaisir. À l’heure où certaines personnes reprochent des analyses trop profondes sous peine de manquer le cœur d’une œuvre, un essai cinématographique parvenant à être aussi chargé intellectuellement qu’émotionnellement procure un bien fou.
Résumé : Depuis sa révélation avec Little Odessa en 1994, James Gray est devenu une figure emblématique du cinéma d’auteur à Hollywood, un maître du classicisme tardif dont on souligne sans cesse la virtuosité. Il s’est imposé depuis trente ans comme l’un des représentants d’un art raffiné de la narration, passant du film noir (The Yards, La nuit nous appartient) au drame romantique (Two Lovers) ou historique (The Immigrant), sans oublier le récit d’aventures (The Lost City of Z, Ad Astra) et la fresque d’inspiration autobiographique (Armageddon Time). Ce livre explore la lucidité toute mélancolique de son œuvre : une transmission filiale brisée et la honte des origines comme base d’un cinéma matérialiste qui dresse le constat de l’échec du rêve américain.