Critique : La plus grande beauté de l’exercice que représente l’interview est sans conteste la possibilité de laisser totalement s’exprimer une personnalité particulière du cinéma, chacune ayant nombre et nombre d’histoires à raconter quand on sait correctement tirer le fil de leurs paroles. Romain Sublon y parvient très bien ici avec ce « Cinéma Buissonnier », reprenant divers échanges que le journaliste a eus durant l’année 2009 avec l’acteur et réalisateur Jean-François Stévenin, décédé en 2021.

Romain Sublon n’hésite pas à exprimer l’énergie intense qu’il faut pour suivre les déclarations de son interlocuteur et on le sent indubitablement à l’écrit. Jean-François Stévenin se dévoile par un parcours particulier au cinéma, esquivant la linéarité pour tomber dans diverses rencontres et anecdotes avec un rythme particulier méritant largement que l’on s’accroche. Ainsi on se plonge dans un voyage sans réelle destination mais où abondent diverses histoires d’un cinéma par un regard vivant et honnête, n’hésitant pas à égratigner Depardieu et Godard tout en exprimant une sincérité qui rend l’expérience de lecture d’autant plus vivace. Il y point même une certaine émotion, notamment lorsque le sujet de la mort s’exprime après une ouverture partageant une franchise semblable à l’ensemble de l’ouvrage.

« Jean-François Stévenin, le cinéma buissonnier » se révèle donc un très bon ouvrage d’interview, Romain Sublon parvenant à trouver l’angle de parole pour laisser libre cours à une personnalité qui revit par cet écrit. L’échange vivant qui se transmet fait rire, surprend mais passionne tout du long avec une ardeur qui peut laisser un peu de côté au premier abord avant de mieux nous reprendre en route. Voilà donc un beau rappel que les échanges cinéphiliques procurent une certaine immortalité quand la passion et la véracité transparaissent dans les mots partagés, d’autant plus avec une personne aussi atypique que Jean-François Stévenin.

Résumé : Pour beaucoup de cinéphiles, Jean-François Stévenin est une figure inclassable et incontournable du cinéma français. Réalisateur rare des mythiques Passe Montagne(1978),Double messieurs(1986) et Mischka(2002),acteur dans plus de 150 films de cinéma et de télévision de 1968 à 2021, il est apparu chez Truffaut, Rivette,Demy, Mazuy, Cavalier, Masson, Jarmusch, Giannoli, Rochant… Sa démarche et sa gouaille sont devenues familières d’un film à l’autre, dressant des ponts entre différents univers de cinéma. Pendant un an, Romain Sublon s’est entretenu avec Jean-François Stévenin, évoquant en toute liberté sa  vision du cinéma, ses films, ses débuts d’assistant réalisateur, sa fascination pour la littérature de Céline et pour les riffs de Hendrix, son enfance dans le Jura, son rapport à l’alcool, ou encore les grandes rencontres qui ont marqué sa vie, de Nicholas Ray à Johnny Hallyday en passant par Lucette Destouches