Critique : Même si son nom est sans doute parmi les plus connus du cinéma de genre américain contemporain, Robert Eggers n’a jamais sacrifié une certaine stylisation dans ses différents longs-métrages. Il faut dire que son approche visuelle, logiquement clivante, amène au moins une fascination par son esthétique appuyée, renvoyant une historicité léchée à des horreurs en résonnance. C’est de nouveau le cas avec cette nouvelle version de « Nosferatu », disponible depuis peu en édition physique, et perpétuant tout ce qui fait l’identité du réalisateur, aussi bien dans le fond que sur la forme.
Ainsi, l’éclairage à la bougie ne va pas dans du simple performatif mais contribue à l’atmosphère de fin des temps du film. Amenée dès le début, la menace de Nosferatu résonne comme une infection à l’image, un côté putride qui envahit peu à peu l’écran jusque dans ses choix d’ombre. Même les coins les plus précieux et modernes ne peuvent pas résister à l’influence du vampire et cela se retrouve accentué dans l’inspiration expressionniste du film. La manière de capter et d’étouffer les protagonistes dans cette influence happe durablement, tout en n’empêchant pas des moments de réelle beauté picturale, comme ce croisement de route la nuit où Thomas se dirige inévitablement vers le monstre.

Robert Eggers continue d’ailleurs son portrait d’une autodestruction masculine, un trait qui était déjà visible dans ses films précédents et qui résonne ici par ses différentes figures d’hommes. Pour rebondir sur un choix de design qui a divisé, il est amusant que le personnage le plus « positif » soit dépourvu de moustache. C’est comme si cette privation de ce signe donnait une réelle perspective à un protagoniste peu héroïque mais cherchant à sauver sa femme du mal / mâle qui la ronge. Le rapport de possession des émotions et les envies de destruction corroborent cette réflexion, permettant de densifier une nouvelle fois un cinéma trop souvent limité par ses détracteurs comme du démonstratif sans intellect.
Si l’on peut regretter que le côté charnel du film n’explose réellement que dans sa conclusion (avec un magnifique dernier plan) pout que cet aspect infuse réellement la narration, il faut néanmoins traiter ce « Nosferatu » avec un intérêt cinématographique certain. Loin de la simple déférence vers le classique de Murnau, Robert Eggers impose dans cette relecture un questionnement masculin et bactériologique à propos au vu de l’actualité chargée de menaces destructrices. L’auto annihilation s’avérant au cœur de son cinéma, il est d’intérêt d’évaluer correctement ce metteur en scène aussi bien fascinant visuellement que thématiquement.
Résumé : NOSFERATU, de Robert Eggers, est un conte gothique retraçant les horreurs causées par l’obsession d’un vampire terrifiant pour une jeune femme tourmentée.
