Critique : Nous sommes nombreux et nombreuses à nous laisser nous emporter par la mélancolie de nos rêves de jeunesse ainsi que de nos espoirs passés. On sent que c’est le cas par moments de Jean Michelin car sinon, comment expliquer l’emphase dans son écriture de « Nous les moches » ? Si l’approche road-trip pourra paraître déjà vue sur le papier pour de nombreuses personnes, les premières lignes nous mettent directement dans une orientation autre mais surtout directe. En entamant son livre par du subjectif, l’auteur nous place déjà dans une forme de dialogue, pas seulement avec le personnage en question, mais avec notre propre perception du passé et de nos envies, tout en posant correctement ses bases narratives.
Ainsi, les tournures vont varier, s’orienter vers la troisième personne avant de repartir sur la première, comme un véhicule en mouvement mais obligé d’avancer constamment par crainte de ce qui arriverait en s’arrêtant. Jean Michelin nous balade avec ses personnages, déglingués par leurs ambitions, et trouvant dans ce voyage une nouvelle vision qui sonne moins comme une réconciliation qu’une révolution dans leurs émotions. Le passage du temps marque évidemment mais cela se fait avec un style prenant, réussissant à conserver un cœur derrière les regrets et l’amertume désabusés que ces protagonistes peuvent ressentir.
La beauté de « Nous les moches » se trouve dans cette envie de soutenir et de valoriser ces inconnus qui rêvent, ces ex-ados réorientés par l’âge adulte, avec une plume des plus prenantes. Jean Michelin nous propose en ce sens un roman du présent, où le tiraillement passé et futur soutient la narration sans tomber dans un suraffect. C’est un roman qui fait respirer à travers ses personnages nos propres sentiments dans une narration franche et, rien que pour sa façon de faire de ce périple un conte humaniste, on recommande aisément sa lecture.
Résumé : Norfolk, Virginie. Quatre lycéens, oubliés du rêve américain, s’esquintent les doigts sur des morceaux de thrash metal pour y déverser leur colère. Cheveux filasse et jeans usés, ils se cramponnent à l’existence des laissés-pour-compte, la seule qu’on leur ait offerte et qui ne leur épargne pas les coups. Alors de la colère, ils en ont à revendre. Mais pas assez pour que leur groupe s’écrive un destin…
Quand, trente ans plus tard, les aléas de la vie les réunissent, ils ressassent toujours leurs illusions piétinées. Ensemble, ils vont la faire, cette tournée des petits bleds à travers le pays. Et de bars pourris en galères, ils comprendront qu’il n’est jamais trop tard pour être fidèle à leurs rêves de gosse.