Critique : Comment développer un décor non filmable ? On en rediscutera dans notre entretien avec la réalisatrice Mareike Engelhardt mais c’est une question qui se posait légitimement au vu du sujet de son long-métrage, « Rabia », situé dans une maison d’épouses pour les combattants de Daech. Cette interrogation va sous-tendre une partie intéressante du film, appréhendant justement ce rapport dans un équilibre intéressant entre réalisme brutal et réinvention presque fantastique de cette usine. C’est ce point de balance qui confère une atmosphère autre au film tout en permettant de mieux questionner son propos en suivant totalement Jessica, jeune femme étouffée socialement et bien incarnée par Megan Northam.

Un autre rapport de balance se développe au fur et à mesure du film avec Madame, interprétée par la toujours excellente Lubna Azabal. Ce rapprochement au détriment de cette amie qu’elle accompagnait en Syrie accentue un embrigadement corrosif, de ceux où l’individu se perd en personnalité pour mieux se fondre dans ce décor et ce mode de pensée. L’horreur s’inscrit alors tranquillement tout en acceptant des sursauts de doute captés avec talent par la réalisatrice.

« Rabia » conserve tout du long un aspect tangible, un côté concret, dans un travail visuel qui joue d’un irréalisme destructeur, tel un cauchemar qu’on met trop de temps à appréhender pour l’arrêter. Il se développe alors une proposition trouble par son duo principal et son action permanente de reflets peu faciles mais passionnant à observer. Son regard de culpabilité et de fausse inaction ne peut que perturber, esquivant toute complaisance simpliste, mais mérite largement de s’y plonger.

Résumé : Poussée par les promesses d’une nouvelle vie, Jessica, une Française de 19 ans part pour la Syrie rejoindre Daech. Arrivée à Raqqa, elle intègre une maison de futures épouses de combattants et se retrouve vite prisonnière de Madame, la charismatique directrice qui tient les lieux d’une main de fer.