Les habitués de Culturaddict (et de 24 films par seconde précédemment) savent que je ne porte pas Man of Steel particulièrement haut dans mon coeur. J’avais même mis une note de 0,5/5 au film à l’époque de sa sortie en salles, preuve de ma déception devant un film de superhéros manquant singulièrement de substance. Superman est un héros fondateur de notre époque, un personnage mythologique, il méritait un traitement particulier, loin des standard Marvel actuels. Certains m’ont demandé des explications pour clarifier mes positions, ce que je vais m’efforcer de faire. C’est un sacrifice pour vous, amis lecteurs. Parce que vous méritez que je vous explique les raisons de ma vindicte personnelle contre Man of Steel, loin d’être gratuite et bêtement binaire.
Man of Steel est une nouvelle adaptation cinématographique de la célébrissime BD imaginée par Jerry Siegel et Joe Shuster autour du personnage de Superman. En 1933, les Etats-Unis sont au fond du gouffre, mis à rude épreuve par la crise financière de 1929, une image de héros surpuissant est toute indiquée pour faire rêver les foules et contribuer au redressement national. Le rôle symbolique du héros au justaucorps bleu moulant a fait l’objet d’études poussées de la part de spécialistes chevronnés. Le réalisateur Zack Snyder remet une couche, histoire d’insérer le héros kryptonnien dans notre époque. Il revient sur toutes les étapes de sa formation personnelle. Comment sa planète d’origine Krypton a été détruite, comment il est arrivé sur terre, comment il a appris ses origines et comment il a réagit. Rien que du très connu pour qui a lu un certain nombre de Comics dans sa jeunesse, du rattrapage pour les plus jeunes qui ne sont pas passés par la case Comics. Snyder colle à la mythologie et reste donc très premier degré. Pas d’apport particulier ni de point de vue évolutif. Il se contente de survoler le mythe en privilégiant l’action et les effets spéciaux. C’est bien dommage.
La question des origines de Superman est pourtant centrale. A l’instar d’un enfant adopté, celui que ses parents de substitution ont nommé Clark Kent doit faire face à la vérité. Mais nous sommes en 2016. Le personnage sera bientôt centenaire, il est dommage de ne pas creuser l’histoire. Or, Man of Steel n’en fait pas tout un pataquès, hélas, se privant d’une ficelle dramatique qui aurait pu être beaucoup mieux exploitée. Le père biologique Jor-El (Russel Crowe) et le père terrien Jonathan Kent (Kevin Costner) sont les deux faces d’une même réalité. Ils partagent tous deux cette empathie salvatrice, cette vision positiviste de la nature et de leur rôle sur leurs planètes respectives. De quoi expliquer l’attitude de Superman. Les figures paternelles l’ont durablement marqué, le motivant à faire le bien plutôt qu’à exploiter égoïstement ses super pouvoirs à son seul profit. Quand le père terrien disparait, le drame s’abat sur sa psyché. Clark Kent est abattu et quitte son existence normale. Cette phase n’est qu’une parenthèse minime avant le festival d’effets spéciaux qui va suivre.
Car le film s’ingénie à multiplier les combats titanesques entre Clarkman et le Général Zod,. Extirpé de la planète détruite par un cataclysme, ce sinistre personnage recherche le rejeton de Jor-El et le trouve sur terre. Le film va-t-il beaucoup plus loin qu’une histoire d’egos mal embouchés? Man of Steel se retrouve inévitablement comparé à la trilogie Dark Knight de Christopher Nolan. Véritable maitre étalon en la matière, le réalisateur britannique a apporté de la profondeur à ses films, mélangeant l’action à des retournements dramatiques. Bruce Wayne a subi lui aussi le poids de la perte familiale et s’en est également sorti pour devenu ce justifier masqué. Et son combat est loin d’être un long fleuve tranquille, surtout face à un adversaire de la trempe du Joker. Une dramaturgie quasi shakespearienne empreint l’oeuvre de Nolan. Tout en divertissant le spectateur, il ne sacrifie pas le fond et la perspective. Alors que, justement, à mon humble avis, Man of Steel sacrifie bien vite à l’action bourrine. De quoi en mettre plein les mirettes, mais avec un scénario simpliste à l’excès.
Le casting de Man of Steel utilise des acteurs de poids. Jar-El/Russel Crowe, Jonathan Kent/Kevin Costner et Zod/Michael Shannon apportent une caution hollywoodienne qui passe finalement assez mal. Les performances d’acteur sont minimes, les dialogues pas très creusés. Je suis particulièrement déçu de l’apport ridicule d’un Michael Shannon particulièrement mal exploité. Il se sous-vend en se contentant de froncer méchamment les sourcils, très loin de ses performances récentes. 3 acteurs assez bien cotés si moyennement utilisés, c’est un peu du gâchis. Concernant Henry Cavill, il fait un Superman bien au-dessus du dernier en date. Super baraque et super bogoss, il fait le métier. En même temps, on demande pas au super héros de faire un numéro de claquettes. Ca roule bien, mais son personnage fronce aussi les sourcils, ferme les yeux, voilà, rien de beaucoup plus.
Concernant l’histoire bien connue de Superman, pas de trahison. Le Superman années 70/80 n’est plus un héros en super confiance et sûr de lui, mais un être perdu qui a peur de se faire rejeter. Intéressant, mais anecdotique. Tout est oublié à la 50e explosion, et le Superman sûr de lui revient à sa place. Celle d’un sauveur de l’humanité, admiré de tous, symbole dépassé d’une Amérique triomphante (elle qui ne l’est plus vraiment de nos jours). Superman était le héros d’une nation en quête d’une image rassurante . Peut-être n’a-t-il plus sa place en nos temps troublés actuels, il en devient anachronique et caricatural… le dernier Batman Vs Superman réussit assez brillamment à montrer l’ambiguité du personnage, vénéré par beaucoup et placé sur un piédestal. Un aspect intéressant de la suite, nous pourrons en parler à un autre moment.
Au final, mon avis sur Man of Steel est simple et même un peu cruel. Le film est formaté pour un public de teen-agers avides de popcorns et de divertissement pas très creusés. Tant de bruits et de fureurs pour voir Michael Shannon à des années lumières de ses prestations récentes, tout est dit. Le plein de dollars mais un quasi zéro pointé niveau critique. Le film est caricatural, explosif à l’excès, cet homme d’acier ravira les fans de pyrotechnie, pour les autres, il faut bien admette que le film est fatigant et longuet avec un dénouement qui se fait bien attendre. Et puis Zod qui finit de cette manière, il n’y avait vraiment pas de quoi en faire tout un film…