Critique : Il existe une distanciation permanente à la mort que l’on développe de manière différente selon le gré de notre existence. Ainsi, plus on vieillit, plus on se rapproche d’une fatalité ainsi que d’une confrontation face à notre propre existence. Mais qu’en est-il quand on est encore jeune ? Voilà l’un des points les plus intéressants de ce « Fleuve de la mort », reprenant un fait divers pour mieux élaborer sur cette froideur au sein d’un thriller qui fleure bon la fin des années 80 par sa représentation adolescente et le ton noir qui se dégage. Moins teen movie que drame sombre, ce film trouve plusieurs points d’affect.
Il y a pour commencer son casting, mené par un jeune Keanu Reeves qui développe déjà ses tics de jeu adaptés à pareil récit. On peut également y retrouver Crispin Glover et Dennis Hopper, mais c’est Daniel Roebuck qui impressionne le plus, effrayant dans ce jeune meurtrier qui ne semble pas comprendre la portée de son acte. Chacun parvient ainsi à exprimer le sentiment de perte de place pour une génération ballottée par les attentes et les craintes historiques. La mise en scène parvient à maintenir cet état de froideur générale, notamment dans son regard vers ce corps dans ce qu’il a de plus rigide et privé d’émotions. Pourtant, cela se partage avec les personnages, en attente d’un électrochoc émotionnel pour parvenir à appréhender la réalité des événements.
Ici se dessine alors tout le poids sentimental du « Fleuve de la mort », par ce ressentiment intériorisé et cet éloignement d’une mort dans ce qu’elle est censée pourtant charger en douleurs. Redécouvrir ce film avec son édition BQHL se justifie alors par la qualité de son propos, bien que les fans de Keanu Reeves devraient apprécier découvrir l’acteur dans une prestation tout en micro-expressions justifiées par la narration. En tout cas, ce drame n’a pas perdu de sa noirceur diffuse depuis sa sortie et mérite un regard curieux.
Résumé : Froidement, pleinement conscient, Samson, un adolescent asocial, étrangle sa petite amie et abandonne son cadavre nu sur la rive d’un fleuve. Meurtre dont il se vante auprès de son cercle d’amis, des lycéens tous paumés, régulièrement sous l’emprise de l’alcool ou de la marijuana. Plutôt que d’appeler la police, ceux-ci décident de le protéger et instaurent une loi du silence. Un secret lourd à porter, terriblement oppressant pour des adolescents à la dérive. Jusqu’à ce que l’un d’eux rompe le pacte et dénonce l’assassin…