Parmi les réalisateurs actuels, peu déclenchent autant de passion que Quentin Tarantino. Depuis son premier film Reservoir Dogs en 1992, il n’a pourtant réalisé que 9 longs métrages, pas un chiffre très impressionnant en 24 ans de carrière. Tarantino est pourtant confortablement installé tout en haut du panthéon des fans de 2022. Car c’est un réalisateur qui ose l’extravagance, l’exagération, l’extrême. Des héros surpuissants, des méchants démoniaques, bref des personnages bigger than life. Et comme il n’hésite pas à agrémenter ces intrigues de répliques cultes et de situations inoubliables, ces films se regardent encore et encore.
Un cinéphile hardcore
Originaire de Los Angeles, Quentin Tarantino enchaine les visionnages et les séances dès son plus jeune âge. Employé de vidéoclub, il dévore les séries Z et en profite pour rédiger ses premiers scénarios. Mais comme on est toujours plus fort à deux, il devient très ami avec Roger Avary avec qui il peaufinera le scénario de Pulp Fiction avant de se brouiller violemment avec lui (voir cette scène des Lois de l’Attraction où Roger règle ses comptes avec Quentin). Sa carrière de scénariste connait des débuts flamboyants avec l’adaptation de True Romance en 1993 et de Tueurs nés en 1994. Frustré de ne pas avoir pu les porter lui-même à l’écran, il utilise l’argent récolté pour réaliser son premier film Reservoir Dogs. Tarantino présente le scénario à un Harvey Keitel tellement enthousiaste qu’il accepte de jouer dedans gratuitement. Acclamation critique, succès public, le film lance la carrière de Tarantino en fanfare.
Des débuts fracassants
Suit très vite la confirmation Pulp Fiction. Palme d’or du Festival de Cannes 1994, Oscar du meilleur scénario, carrière de John Travolta relancée, dialogues cultes et scènes improbables, le film met tout le monde d’accord et place le réalisateur sous les spotlights. Déclaré nouveau phénomène du cinéma indépendant américain, Tarantino est passé de l’anonymat à la starification en un temps record. Avec quelques caractéristiques qui marqueront ses films pour longtemps: il y a souvent un Samuel L Jackson dans le coin, les longs dialogues truculents s’accumulent sans fin, des geysers de sang coulent à l’occasion et les surprises abondent dans chacun de ses films. Jackie Brown en 1997 confirme son gout pour la résurrection de gloires passées, ici Pam Grier qui accompagne Robert de Niro et une ribambelle d’autres acteurs.
Une constance: un accueil public enthousiaste
Sa filmographie enchaine les succès publics. Kill Bill, Inglorious Basterds, Django Unchained, les 8 salopards, chacun déclenche l’enthousiasme d’un public impressionné par les partis pris hardcore du réalisateur. Certains crieront à la facilité et au fan service (dont moi). Les flots de sang sont autant improbables que multipliés. En abrogeant toutes les limites, le réalisateur peut fasciner ou fatiguer. Devenu intouchable et immensément bankable, les stars se battent pour apparaitre dans ces films. Sans obstacle, un réalisateur commence inévitablement à se reposer sur ses lauriers et à se répéter. L’hémoglobine devient un élément clé de ses longs métrages, pour le plus grand plaisir des ados et le scepticisme des cinéphiles. Le suspens devient non pas un objectif en soi mais un prétexte pour un étalage d’effets clinquants et gratuits.
Une filmographie riche
Revenons sur la filmographie de Quentin avec quelques notes, personnelles et forcément subjectives.
Reservoir Dogs (5/5)
Un gangster réunit une équipe de braqueurs pour un casse qui tourne mal. Les survivants essayent de comprendre et les inimités se font jour. Le style Tarantino s’impose en fanfare avec ces allers retours dans le temps, ces longs dialogues truculents et cette galerie de personnages invraisemblables. Entre le psychopathe, le truand professionnel et le flic infiltré, tous les ingrédients de la dramaturgie sont réunis. Avec un scénario carré et surprenant accompagné de ces prises de vue typiques de son style. Si ce film reste tout en haut de mon panthéon tarantinesque personnel, c’est parce qu’il n’a pas vieilli d’un poil et se regarde avec toujours autant de plaisir. Et puis ces répliques… I’m so sorry Larry…
Pulp Fiction (5/5)
La Palme d’or de l’audace et de l’originalité. Aussi acclamée que décriée, elle a mis Tarantino sur orbite, saluant son style sans concession. Les personnages principaux sont rentrés dans la légende à la faveur de scènes complètement invraisemblables. Butch et son sabre de samouraï, Vincent Vega et sa voiture rouge, Marcellus Wallace et son sparadrap sur la nuque, Mia Wallace et son twist… le film est une accumulation de scènes jouissives. Pour là aussi un récit déstructuré au montage impeccable. Comment essayer de semer le spectateur pour le seul plaisir de le stimuler. Et puis cette musique… rentrée dans la légende.
Jackie Brown (2/5)
C’est une déception personnelle. Comme si Tarantino voulait savoir ce que ça faisait de se mettre sur pilote automatique. Des personnages, des dialogues, des surprises mais un rythme décousu et une mise en scène paresseuse. Tarantino creuse son style dépouillé de l’époque mais sans y adjoindre cette dimension caricaturale. Je m’attendais à un film plus enlevé, plus rythmé, je me suis retrouvé devant une intrigue dénuée de souffle. Bref, un rendez-vous manqué qui a pourtant plu à beaucoup donc je m’incline. J’ai certainement du passer à côté… louper quelque chose…
Kill Bill (1&2) (3/5)
Quentin Tarantino décide de lâcher les chevaux. Plus de limites, finies les barrières, il ne se refuse plus rien. Toutes les références des films d’action à l’ancienne, celles de Bruce Lee ou de The Wild Bunch, avec une encore excellente bande son rythmée et péchue. SI le premier volet ne s’embête d’aucune retenue et joue la carte caricaturale à fond de manière complètement assumée, le second volet freine brutalement, occasionnant une violente impression de décalage. Comme si le réalisateur n’avait pas voulu pousser le bouchon trop loin… alors que c’est justement ce qu’on attendait! Bref, une ami déception et un premier volet qui se suffit à lui même.
Boulevard de la mort (3/5)
Découvert récemment, ce film constitue une sorte de rétropédalage sanctionné aussitôt par un accueil public mitigé. Tarantino essaye de revenir à un cinéma plus dépouillé mais peine perdue, il a déjà semé sa graine dans l’esprit des spectateurs. Il ne peut plus ne pas en faire trop. Le public attend maintenant du Tarantino avec ce mélange d’outrance et d’hémoglobine. En gros, ce qui constitue une partie de plus en plus importante de ces films. Tarantino est devenue une marque, succesful et déposée. Les fans piaillent mais les films vont commencer à jouer la facilité…
Inglorious Basterds (4/5)
Tarantino joue l’uchronie et détricote l’histoire officielle. Il introduit une bande de salopards impitoyables au coeur de la France occupée par les nazis pour taillader les méchants occupants. Le scénario complètement barré est pourtant accompagné de personnages ultra réalistes comme cet Hans Landa rentré dans la légende. En plaçant son personnage de SS sanguinaire et bizarrement vicieux au coeur du film, Tarantino créée une nouvelle mythologie, et tout le reste du casting d’exception en pâlit, Brad Pitt en premier. Le film vaut surtout pour ces scènes de ouf où l’allemand mène sa barque avec virtuosité et ambivalence. Un vrai bon méchant qui marquera pour longtemps l’histoire du cinéma.
Django Unchained (3/5)
Après le nazisme, Tarantino choisit une autre époque pénible de l’histoire et situe son film dans le temps pas si éloigné de l’esclavage dans le sud des Etats-Unis. L’excès est la première règle du film. Un héros revenu de l’enfer, un casting 3 étoiles (Jamie Foxx, Christopher Waltz encore et surtout Léonardo Candy DiCaprio) et une belle récurrence dans l’ultra violence. Quentin insiste sur la vengeance d’un héros increvable, quitte à en faire beaucoup… trop? Le film accumule les répliques qui piquent et les scènes cultes. Tarantino fait dans la violence pop corn et le divertissement débridé. Pour un vrai succès public et un certain scepticisme critique. La facilité est un peu déconcertante… pas désagréable mais le scepticisme guette…
Les 8 salopards (1/5)
Le film du malaise. Tarantino semble ne plus avoir de limites, accumulant les geysers d’hémoglobine ad nauseam. Si il fait appel à Morricone pour la bande son et bénéficie d’un casting extrêmement fourni, j’avoue une lassitude devant ces règlements de compte à la violence de plus en plus cartoonesque. Ce pourrait être un film d’animation japonais, la différence ne serait que subtile… j’attendais avec impatience le film pour un résultat très mitigé. Une première partie bavarde, une seconde partie violente, voilà, je suis sorti déçu de la salle… Tarantino n’est-il plus capable que d’offrir du teenage fan service?
Once upon a time in Hollywood (2/5)
Une fois de plus, un film ultra clivant de Tarantino, avec des fans absolus et une cohorte de sceptiques. Cette revisite romancée de la sinistre affaire du meurtre de Sharon Tate divise. Dans la réalité, l’actrice a été massacrée par les disciples de Charles Manson. Dans le film, les choses se déroulent différemment…. du fan service, une fois de plus.