Critique : Ne serait-on pas un peu fatigué des biopics musicaux ? Il semble y avoir une lassitude dans les titres qui cherchent à raconter ce qui a fait la créativité musicale de nombreux artistes, ne serait-ce que parce qu’ils se ressemblent tous, à force de vouloir tomber dans une copie quasi mortuaire qui n’a rien de l’humain derrière le créateur. Pourtant, cette année semble nous donner tort, que ce soit avec « Better Man » (qui a l’intelligence de jouer de certains artifices pour mieux raconter l’artiste) ou ce « Segundo Premio », disponible depuis quelques temps chez Capricci.

Le parti pris du film se trouve dans une mise en scène en évolution permanente, captant un flot avec une vibration pleinement créative qui réactive le mémoriel avec talent. Il s’y trouve, contrairement à ce qu’on pourrait craindre avec pareille phrase, une sensibilité certaine, que ce soit dans le doute de l’art ou bien dans les interrogations qui se répondent entre les membres, frisant la fin par dépit. Cette captation s’avère alors brillante par son emphase, cette empathie qui ne nous lâche pas et trouve une forme de respiration rythmée par les échos et les incertitudes avec ce même éclat permanent tout au long de sa narration.

Voilà donc l’optique de ce long-métrage clairement réussi d’Isaki Lacuesta et Pol Rodriguez : raconter la création musicale sans tomber dans les clichés narratifs du genre mais en embrassant pleinement ce qui fait de l’art un processus émouvant d’humanité, dans son côté intimement générationnel mais toujours vibrant de proximité. Pas étonnant dès lors que « Segundo Premio » ait été récompensé de plusieurs Goyas (encore plus logiquement pour son travail de montage et de son) tant le film parvient à s’émanciper des codes en conservant le lien le plus essentiel de toute histoire du genre : l’humain derrière l’artiste, le cœur derrière la création.

Résumé : Grenade, fin des années 90. En pleine effervescence artistique, un groupe de rock indépendant traverse une période mouvementée : la bassiste quitte le groupe et cherche sa place en dehors de la musique, le guitariste est plongé dans une dangereuse spirale d’autodestruction tandis que le chanteur est confronté au processus difficile de création de leur troisième album. Personne ne sait encore que ce disque changera à jamais la scène musicale espagnole.