Critique : C’était sans doute l’un des films américains les plus attendus cette année, bien aidé par son excellente réputation et le mystère qui planait dans sa promotion. « Évanouis » débarque enfin en édition physique, nous donnant envie de mieux redécouvrir les contours de ce véritable conte urbain n’hésitant pas à déjouer les attentes dans sa narration tout en appréciant mieux ses différentes clés thématiques une fois celles-ci redécouvertes lors d’un second visionnage. Car clairement, il y a de quoi dire sur le nouveau long-métrage de Zach Cregger.

Lui qui auscultait déjà l’horreur de la banlieue américaine avec l’excellent « Barbare » parvient à développer encore son propos en partant d’un parti pris ne pouvant qu’intriguer. Dès le début, la jeune voix off instaure une ambiance de conte, de transmission orale où les réponses ne peuvent arriver que par un angle plus global. Le côté choral du récit accentue cette perception, l’absence de réponse créant une tension sourde au sein de la communauté tout en réinterrogeant ce qui se dissimule au-delà de la maison à priori normale. L’atmosphère se fait alors étrange, jouant sur un équilibre très fragile entre l’horreur, le grotesque, l’humour et le drame, à l’instar de la poursuite finale.

Il est d’autant plus rafraîchissant d’avoir un titre qui n’hésite pas à se réorienter tonalement tout en conservant sa consistance émotionnelle qu’on sent une richesse de fond, cherchant à mieux explorer le doute et l’effroi de son absence de perception, à force d’accumuler des drames qui ne trouvent jamais une explication complète. Le titre original, « Weapons », convient en ce sens plus dans le traitement armé d’une société où l’on pense constamment à attaquer avec l’excuse de se défendre, ce qui résonne invariablement avec diverses actualités américaines à coups de fusillades cycliques. L’apparition d’une arme géante au-dessus d’une habitation dans les rêveries d’un personnage souligne cet état de fait : la nature armée de ce monde s’insinue jusque dans le domicile, et ce malgré un aveuglement face à des situations ne pouvant virer qu’à la catastrophe.

On évitera de trop s’appesantir en interprétations pour laisser les personnes n’ayant pas vu le film vierges de toute information mais le fait que le drame touche une classe d’enfants et que les adultes gravitant de près ou de loin (professeur, parent, policier) n’arrivent pas à appréhender la teneur de la situation ne peut que souligner une proximité thématique avec des tragédies vécues dans les écoles américaines. Il y a encore une fois l’envie d’ausculter cet environnement de la part de Cregger qui fascine, notamment dans sa confrontation entre jeunesse et adulte, le tout en accumulant les symboliques et les contours de conte pour rappeler que les meilleures narrations sont sans doute celles qui racontent leur monde par leur prisme, cherchant à mieux transmettre ses craintes par la fictionnalisation.

Nous pourrions rédiger une analyse plus approfondie du film (ce sera sans doute le cas si l’envie nous arrive), mais nous préférons laisser les personnes qui n’ont pas encore vu « Évanouis » avoir la chance de se plonger dans cette horreur sous influence « Magnolia », parvenant à capter une terreur sociale contemporaine avec une finesse d’écriture qui se décompose avec plaisir à chaque re-visionnage. L’effroi, le vrai, surgit alors dans les craintes sociétales et dans l’impossibilité d’appréhender totalement des drames cycliques, rejouant ici de ses contours narratifs pour mieux parler d’une Amérique impuissante face aux monstres qu’elle développe, aveuglée volontairement ou non par ses propres biais.

Résumé : Lorsque tous les enfants d’une même classe, à l’exception d’un, disparaissent mystérieusement la même nuit, à la même heure, la ville entière cherche à découvrir qui – ou quoi – est à l’origine de ce phénomène inexpliqué.