Petit Paysan propose de se confronter à l’existence la plus routinière d’un membre du monde paysan. Pierre est un éleveur de vaches laitières qui se lève tôt, travaille toue la journée et ne rechigne pas aux taches les plus ingrates. Mais quand une vache de son troupeau est touchée par un virus qui se répand comme une trainée de poudre entre la France, la Belgique et les Pays-Bas, il ne peut se résoudre à voir les 30 vaches de son troupeau condamnées à mort par la loi. Petit Paysan colle au plus près d’une réalité terrible pour ceux qui travaillent au plus près de la terre.
Un constat terrible
Les plus perspicaces se souviendront de la crise financière de 2008 et des milliers de milliards débloqués par les gouvernements pour sauver des institutions financières qui n’en méritaient pas tant. D’autres garderont en mémoire les images du film The Big Short avec ce constat que le monde ne tourne plus vraiment rond. Petit Paysan jette une nouvelle pierre dans la mare d’un monde en train de débloquer. Pierre a repris l’exploitation familiale pour faire la seule chose qu’il sache faire, s’occuper de ses vaches et gagner ainsi sa vie dignement. Le réalisateur a gardé en tête l’histoire pas si ancienne que ça de la Vache Folle et de tous ces troupeaux abattus sommairement pour juguler la contamination générale. Lui-même fils de paysans, Hubert Charuel connait le déchirement provoqué par l’abattage sommaire d’un troupeau entier. Il construit son film autour de la vie simple d’un petit paysan interprété par un Swann Arlaud, en état de grâce dans ce rôle. Quand l’engrenage se met en marche, avec une première vache infectée et l’imminence d’une contamination générale, il ne peut se résoudre à l’inéluctable. Et il lutter avec ses propres armes, tentant d’amadouer des autorités à cran et une soeur vétérinaire qui essaye de le raisonner. Mais rien ne peut vraiment l’aider, surtout que les paysans touchés tardent à être indemnisés, montrant bien la perfidie d’un système qui condamne certains sans débloquer suffisamment d’argent à temps. Un système à deux vitesses, évidemment (cf le début du paragraphe).
Pas tous logés à la même enseigne
Petit Paysan montre en filigrane le sentiment d’abandon de ceux qui se sentent lâchés à cause d’une crise sanitaire majeure dont ils sont les premières victimes sans en être aucunement responsables. A bien y réfléchir, il est évident que leur marasme appelle celui de la société entière, obligée de nourrir les masses à bas prix avec des produits dont elle ne connait pas vraiment la provenance et le processus de production. Le film montre un cas particulier dans un réalisme exacerbé, qui force le respect, mais laisse imaginer ce qui arrive dans nos verres ou nos assiettes à la toute fin. Et il y a de quoi avoir des frissons dans le dos. Le dénouement est inéluctable et le constat est amer. Evidemment qu’il faut abattre le troupeau, mais quel est le prix supporté par les paysans et finalement par des consommateurs détachés de cet aspect de la réalité? Tant que les supermarchés sont livrés en lait, qu’importe finalement leur provenance, de France ou d’ailleurs. Mais ce qu’a montré récemment le scandale des oeufs au Fipronil, c’est qu’il faudrait vérifier de beaucoup plus près ce que contiennent les aliments, autant pour les animaux que pour les humains. Car la crise la vache folle provenait de l’alimentation des vaches, avec un impact certainement qu’on ne peut imaginer nul pour le consommateur final. Voilà, il y a de quoi se faire des bons noeuds au cerveau…
Petit Paysan est un petit film avec tout ce que l’expression contient de noble. Le sujet est minuscule, le héros est au plus près de la réalité mais l’enseignement final pour le spectateur est colossal. Un film à découvrir absolument pour un shoot de réalité un peu effrayant…