François Ozon réussit l’exploit d’aborder un sujet éminemment polémique, la pédophilie au sein de l’église catholique, avec un ton d’une justesse indicible. 4 personnages principaux évoquent les sévices subis les uns après les autres pour finalement partager une aventure commune visant à condamner le criminel et le réalisateur insiste sur la variété des histoires, des ressentis et des traumatismes. Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Eric Caravaca et Swan Arlaud forment un quatuor de grands blessés qui interroge sur la possibilité de l’existence d’un prêtre pédophile au sein d’une église qui ne parvient pas à l’éloigner des enfants, le défroquer et le condamner. Il faut le voir pour le croire.
Une histoire vraie qui fait froid dans le dos
Quand Alexandre Guérin (Melvil Poupaud) se rend compte que le père Bernard Preynat (Bernard Verley) officie toujours au sein de l’église catholique, son sang ne fait qu’un tour. Père de 5 enfants, marié, cadre dirigeant dans une banque, il a réussi à surmonter le traumatisme de sévices subis durant son enfance, mais il n’a ni oublié ni pardonné. Le prêtre a abusé de sa position, lui laissant des blessures profondes jamais guéries. Le grand mérite de François Ozon est de ne pas stigmatiser les prêtres dans leur ensemble, il montre surtout le peu d’empressement pris par l’église pour prendre la mesure du problème. Car les échanges se multiplient entre Alexandre et l’évêque Barbarin sans qu’aucune action ne soit jamais diligentée contre le père, ce qui devrait être la normalité. Et c’est le point principal du film, faire ressortir l’immobilisme coupable d’une église qui ne veut pas ou qui ne sait pas comment agir face à l’insoutenable. Les autres acteurs se suivent les uns après les autres pour montrer qu’Alexandre est très loin d’être un cas isolé. La voix off initiale du personnage laisse place aux réactions épidermiques d’adultes qui veulent libérer leur parole et passer outre la blessure jamais vraiment refermée. Le projet La parole Libérée mis en place par les protagonistes draine un flot incessant de réactions, donnant la pleine mesure à cette histoire véridique. Surtout le prêtre ne cache pas sa pathologie, il ne peut pas résister à son attirance coupable pour les jeunes enfants. Pourtant les différents évêques successifs n’ont jamais pris que des mesures parcellaires sans vraie volonté de protéger les plus jeunes. Le film est très clair sur ce point, la hiérarchie catholique de l’évêché lyonnais s’est comportée comme le dernier ramassis de pourritures. Il y a de quoi se poser tant de questions. Mais le réalisateur a la sagesse de garder une belle justesse, s’attachant à ce cas pour ne pas le généraliser à tous les prêtres. Et quand les personnages commencent à se quereller à la fin du film, la faiblesse inhérente à l’humanité ressort avec une belle cohérence. Même unis dans une même quête pour faire condamner le prêtre, la subjectivité l’emporte, créant des fissures finalement tellement prévisibles, car les personnages doivent souvent faire face à l’incompréhension voire à l’hostilité de leurs familles, avivant d’autant plus leur solitude dans leur quête de justice. Et ce n’est pas le moindre mérite du film.
Grâce à Dieu est un film qui force le respect. Aborder un tel sujet sans verser dans la caricature, c’est digne d’un très grand réalisateur. François Ozon n’en est pas à son premier coup de maître, il varie les sujets, tous ces films ne sont pas de telles réussites mais Grâce à Dieu est une vraie pépite à voir d’urgence au cinéma malgré la dureté du sujet.