Christophe Honoré imagine un conte moderne sur le rapport à soi et le rapport à l’autre au sein d’un couple. L’utilisation du fantastique avec l’invocation de la femme et de l’homme en versions plus jeunes est accessoire et inutile mais ne déprécie pas la tentative de réflexion. Qui sommes-nous et qui aurions-nous été si nous avions fait d’autres choix? La question est lancinante dans l’esprit de n’importe qui, le réalisateur choisit une manière débridée de traiter la question, manière qui ravira ou irritera c’est selon.
Chambre 212 est une tentative adroite ou maladroite, au choix, de traiter une grande question philosophique. Maria (Chiara Mastroiani qui ressemble de plus en plus à ses deux illustres géniteurs) et Richard (Benjamin Biolay qui articule toujours aussi peu) sont à la croisée des chemins quand le second découvre que la première le trompe. Il comprend que ce n’est pas la première fois et s’emporte, elle décide de quitter le domicile conjugal pour faire le point dans l’hôtel juste en face, dans cette fameuse chambre 212. Quand une version plus jeune de Richard (Vincent Lacoste égal à lui-même) et une version plus jeune d’une des grandes amantes de jeunesse de Richard, Irène (Camille Cottin) lui rendent visite, une longue nuit débute. Le pitch est rocambolesque et le film est suffisamment dénué de logique pour se permettre toutes les incartades. Si le film s’était contenté de toutes ces irrévérences aux 3 règles du théâtre classique (temps, lieu, fait), ç’aurait pu être suffisant car le film se déroule comme un vaudeville amélioré, non sans charmes, avec toutes ces péripéties tragicomiques. Mais pourquoi tant de balourdises dans la mise en scène et ces choix ouvertement incohérents pour empêcher tout rattachement au réel? La sempiternelle petite cigarette récréative qui fait bien pour souligner les tourments intérieurs (Qui fume encore si ce n’est ceux qui n’ont pas compris que la cigarette tue?), l’héroïne qui est prof de droit et vit dans un superbe appart de Montparnasse (comme si son salaire pouvait le lui permettre), la prof de piano qui a une superbe maison dans la Baie de Somme (si encore elle était concertiste…), cette vie coupée de toute réalité concrète, sans enfants, sans travail, sans contraintes, histoire de bien souligner que c’est un conte mais quand même en plein cœur d’un Paris très actuel et en même temps fantasmagorique avec ce cinéma imaginaire dans une rue adjacente au Boulevard du Montparnasse et pourtant au nom si réel… Les choix de coller à la réalité tout en s’affranchissant de ce qui fait tout de même le sel de la vie montre bien que le réalisateur a choisi de ne pas choisir, laissant le spectateur face à un océan d’incompréhension.
Logique illogique, récréation sans queue ni tête, acteurs qui sont semblables à tant d’autres rôles, Christophe Honoré n’échappe pas aux trop nombreuses avanies du cinéma français actuel, et c’est bien dommage. Au final, l’impression qu’il s’agit d’un film de complaisance réalisé entre potes laisse un gout amer dans la bouche, car le réalisateur est capable de bien mieux faire.