Depuis que je creuse sans discontinuer la riche filmographie de la Nouvelle Vague, je ne cesse plus de penser à Anna Karina. Née Hanne Karin Bayer en 1940 au Danemark, elle devient bien vite la muse du cinéma français des années 60. Rares sont les films qui se passent de son sourire mutin et de son regard magnétique. Elle semble sourire et grimaçer en même temps, si loin et si proche à la fois. Accessible et distante. Parfait reflet de la contradiction féminine, sans qu’on puisse jamais vraiment le lui reprocher.
Si ses premiers films font apparaitre un charmant accent nordique, il disparait peu à peu, faisant douter de sa véracité. Est-elle vraiment étrangère ou complètement française? Certainement un peu des deux à la fois. Petit tour d’horizon de ses apparitions cinématographiques les plus marquantes au plein coeur des années 60 de la Nouvelle Vague, devant la caméra de Jean-Luc Godard (surtout).
Si le cinéma du réalisateur suisse se veut profond et intellectuel, Anna Karina se fond parfaitement dans le moule. Jamais vraiment légère ni complètement libérée, elle semble déambuler éternellement préoccupée par un vers de Verlaine. Comment les héros peuvent-ils espérer attraper ce coeur toujours libre et jamais disponible? Sa beauté froide s’illumine sous le coup d’un sourire, semblant capable de tout donner l’espace d’une minute. Si Brigitte Bardot a illuminé Le Mépris et Chantal Goya Masculin Féminin, on ne compte plus les films éternels où Anna Karina balade sa moue boudeuse. Petit panégyrique personnel en 5 films.
1961 : Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda, apparition fugace mais Anna Karina est bel et bien une égérie de La Nouvelle Vague.
1962 : Vivre sa vie de Jean-Luc Godard: nouvelle prestation inoubliable pour une Anna Karina aux cheveux courts et au tempérament de feu.
1964 : Bande à part de Jean-Luc Godard: Avec Claude Brasseur et Samy Frey, Anna Karina personnifie la liberté et le présent éternel. Film majeur si on considère l’impact sur Tarantino, notamment.
1965 : Pierrot le fou de Jean-Luc Godard: Le film de l’éternité? Qu’est ce que j’peux faire? J’sais pas quoi faire… elle marche sur la plage et suit un Jean-Paul Belmondo enfiévré et inconséquent. Quasiment un film d’auteur, bavard, extravagant, expérimental, passionnant.
1965 : Alphaville de Jean-Luc Godard: Anna Karina qui tient Capitale de la Douleur devant la fenêtre… un symbole d’une époque romantique, au moins dans les esprits.
Il reste aujourd’hui ces souvenirs de cinéma qui semblent dater d’hier. Et cette beauté froide qu’un sourire suffit à faire briller comme un soleil. Deux grands yeux cernés de noir regardaient la caméra sans expression mais avec le certitude que des pensées nombreuses et contradictoires agitent cet esprit libre et indépendant.