Il fut un temps pas si lointain où Judd Apatow était le maître de la comédie américaine, installant une vague d’un humour gras où perçait pourtant un véritable cœur pour ses personnages. C’est sans doute la plus grande force de ses films mais également de ses productions, à l’instar de ces trois titres proposés depuis peu en coffret chez Elephant Films. En effet, chacun partage des personnages principaux au bord d’une crise de nerf émotionnelle, le tout se reflétant dans son propre rapport flou au couple et à l’avenir amoureux.
« Sans Sarah, rien ne va » joue ainsi de son décor apparemment féérique hawaïen pour appuyer la solitude de son personnage principal, récemment largué. Le timing comique se révèle réussi, prenant ce qu’il faut de ralentissements émotionnels et d’accélérations presque cartoonesques pour mieux se dévoiler dans son côté cru. Jason Segel, à l’écriture et devant la caméra, capte cette lose masculine qui doit se réinventer dans sa maturité tout en retrouvant une fibre créative essentielle. C’est donc une bonne redécouverte dans ce qu’il raconte de palpable dans le grotesque masculin avec un héros qui se retrouve à accepter sa sensibilité et ses failles.
« Mes meilleures amies » s’oriente dans une même veine en mettant ici en avant une héroïne totalement larguée, notamment suite à la crise économique. Ce besoin de redécouverte de soi s’oppose à une vision des plus ironiques du mariage, allant jusqu’à une séquence de gastro explosive dans ce qu’elle « salit » de la pureté de l’événement. Le besoin de sororité y est déjà fort mais il s’y dessine des femmes au bord d’une crise de nerfs dans ce qu’on leur impose d’image parfaite de soi. Là encore, il en ressort une comédie faussement vulgaire mais surtout intéressante dans son écriture dramatique.
La vraie surprise en ce sens est l’approche plus difficile de « 5 ans de réflexion », toujours dans une même veine comique attendue mais qui pousse peut-être le curseur de la cruauté au maximum, en particulier dans sa destruction du couple. Si certains virages burlesques sont déséquilibrés, il en ressort une véritable réflexion sur l’évolution de cette structure amoureuse et de son besoin de reconnaissance dans l’autre, notamment dans son amoncellement d’échecs personnels. L’amour en potentiel rempart malgré les tempêtes de la vie, cela pourrait être niais mais ça tape plutôt juste ici.
Le travail d’édition d’Elephant Films n’est plus à souligner mais la redécouverte de ces trois comédies par ce coffret « Apatow Productions » permet de mieux apprécier ces comédies qui n’annulent jamais la cruauté de leur fond tout en développant un potentiel espoir de place à retrouver. De quoi rappeler la qualité d’écriture que l’on pouvait retrouver dans les productions de Judd Apatow et constater l’héritage laissé par celui-ci dans les dernières œuvres comiques américaines, tout en espérant qu’elles retrouveront ce cœur qui dynamitait la formule du producteur, scénariste et réalisateur…