Critique : Comment regarder le passé quand on n’a jamais eu l’occasion de l’appréhender totalement ? Voici une des questions qui nourrit « Ce que prend la mer », écrit par Manon Fargetton et disponible depuis quelques temps aux éditions Héloïse d’Ormesson. En partant d’une enquête personnelle pour mieux découvrir un père affecté, l’ouvrage prend ainsi une conception du temps et de la mémoire qui sait comment se dérouler à l’écrit avec une certaine sensibilité qui ne peut que toucher d’une manière ou d’une autre.

Ainsi, la plume de la romancière parvient à invoquer et évoquer ses personnages avec une certaine humanité, notamment par des allers retours temporels qui servent au mieux à renvoyer les affects et perceptions personnelles. C’est un travail de l’intime qui se dévoile au fur et à mesure, cherchant toujours dans ses mots à garder une certaine connexion qui permet au livre de trouver sa propre direction avec un style toujours nourri par la proximité. L’histoire parvient également, par son approche de l’art, à cultiver un rapport sous-jacent sur ce qui se révèle de nous dans la création et comment l’expression culturelle s’avère peut-être le meilleur moyen de parler de soi au-delà du monde et de ses propres bouleversements.

« Ce que prend la mer » se révèle in fine un joli roman chargé par la mémoire, le temps et l’art avec une prose qui sait faire exister ses personnages dans leur intimité la plus touchante. Manon Fargetton nous offre en cela un petit moment de littérature tout en sensibilité, pouvant renvoyer à nos propres doutes mais surtout à notre propre perception familiale dans les non-dits, les regrets et tout ce que l’on peut encore découvrir à travers les années.

Résumé : Sur la piste du passé mystérieux d’un père emmuré dans le silence suite à un AVC, Maxine, une jeune vidéaste remonte le cours du temps sur une île écossaise. Son enquête, menée grâce à une trentaine de polaroids, ultimes indices de cette histoire secrète, fait resurgir une transmission avortée, dont elle comprend qu’elle est la dépositaire.

Violoncelliste de renom, Térence habite une cabane posée sur une dune qui menace de s’écrouler. Alors qu’il est hospitalisé, sa fille, Maxine, découvre dans un tiroir une série de Polaroïds mystérieux, témoins d’une correspondance de près de cinquante ans. Ces clichés la bousculent, et grâce aux indices qu’elle identifie, elle part à la recherche de la photographe sur une petite île écossaise. En fouillant cette terre et les mémoires de ses habitants farouches, c’est un adolescent de dix-sept ans qu’elle rencontre, débarqué sur ce bout du monde pour disparaître. Un adolescent devenu ce père lointain qu’elle voudrait connaître. Car cette île, il l’a inscrite dans leur chair, et elle repartira avec des réponses qu’elle n’attendait pas.