Critique : Si Clint Eastwood a eu une marque importante sur le cinéma américain, son icône ne pourra sans doute jamais être détachée du western. Il faut bien admettre que c’est dans ce courant que l’acteur réalisateur a su développer sa figure, notamment dans sa manière de réinterroger celle-ci au travers de différents films. Le coffret 4K proposé ici par Warner nous permettait donc de rattraper trois de ses réalisations dans le genre tout en profitant d’une remise en valeur de ces différents titres, avec une grande préférence de notre part pour l’un d’entre eux.
Commençons par « Josey Wales Hors la loi », qui frappe immédiatement par sa sécheresse visuelle, que ce soit dans ses décors ou sa violence. La photographie souligne une Amérique en déchirement total et cherchant à recréer une société sur des vestiges pourris par la violence. Sa façon de transformer son personnage de paisible fermier en figure vengeresse trouve alors une mise en parallèle avec l’histoire des États-Unis, tout dans un bouillonnement qui résonne aussi par le contexte de production (avec le départ de Philip Kaufman, le réalisateur original, suite à des disputes avec sa star concernant la tonalité du film). Ces tensions enrichissent un titre qui aurait pu être simplement rétrograde et lui permettent même de dévier narrativement dans une quête de reconstruction surprenamment émouvante qui densifie le film d’un point de vue sentimental.
9 ans après, « Pale Rider » démontre l’évolution du réalisateur, encore plus en maîtrise de sa caméra et de son image pour mieux interroger les bases mêmes de son pays. En jouant des codes et de son image, Clint Eastwood pose déjà les fondations de son « Impitoyable » tout en embrasant l’aura de son icône mais en essayant de mieux l’ancrer dans son réel. Le naturalisme brutal de son prédécesseur se réoriente vers une imagerie plus cinématographique parvenant à mettre en avant ses décors avec une véritable solidité artistique. Si le titre souffre sans doute de sa comparaison par son aspect d’œuvre de transition, il n’en reste pas moins un long-métrage intéressant à replacer dans ce contexte mais surtout par sa manière de croquer les attentes d’un genre déjà inscrit dans le crépusculaire.
C’est au final le troisième titre de ce coffret qui achève de nous conquérir tant « Impitoyable » s’avère un aboutissement total du regard d’Eastwood sur le genre. Ici, son personnage est clairement dirigé vers la fin, l’envie de se reconstruire au-delà d’un monde de violence qui finit invariablement par le rappeler. Les liens avec les personnages sont les plus touchants, les points plus légers servent la narration d’un univers en plein changement qui subit ses racines corrompues et la photographie s’avère d’une beauté forte, soulignant dans sa lumière ce rapport à la fin et à un certain cycle historique avec une amertume tonale bien équilibrée. L’héroïsme ne peut réellement exister dans une société violente et Eastwood charge son imagerie avec une beauté d’une tristesse humaine qui profite de ses zones d’ombre morales pour mieux asseoir ses regrets dans un film-accomplissement toujours aussi prenant près de 33 ans après sa sortie.
Les amateurs du genre en auront pour leur argent mais il faut aussi recommander ce coffret aux personnes qui cherchent à mieux approcher un courant qui a toujours été plus proche de sa fin que de son début, comme cette période américaine qui s’est effacée dans le vent de l’évolution tout en approfondissant des bases violentes d’une Amérique constamment divisée. En tout cas, il y a de l’intérêt à découvrir et redécouvrir ces trois titres, aussi bien des faces différentes d’un artiste représentant les États-Unis pour le meilleur comme pour le pire que pour approcher le western dans ce qu’il a de plus violent, triste, amer mais surtout humain.
Résumés :
Impitoyable – Kansas 1880. William Munny, redoutable hors-la-loi reconverti dans l’élevage va, à la demande d’un jeune tueur, reprendre du service pour venger une prostituée défigurée par un cow-boy sadique.
Pale Rider- Les derniers chercheurs d’or indépendants de LaHood, bourgade minière de Californie, sont harcelés par la bande de Coy LaHood, fondateur de la ville qui veut s’approprier leur concession. Au moment où les mineurs pacifiques sont prêts à abandonner la lutte, surgit de la montagne un cavalier solitaire tout de noir vêtu. Nul ne connaît son nom, son passé, ses origines. Hull Barret, opposé depuis longtemps à Coy LaHood, l’accueille sous son toit. L’homme ne va pas tarder à prouver ses qualités de tireur.
Josey Wales Hors la loi- Josey Wales, un paisible fermier, voit sa femme et son fils massacrés par des soldats nordistes. Laissé pour mort, Josey décide de se venger.