Greta Gerwig, un auteur en popularité ascendante

Vous avez dû vous en rendre compte dans ma critique des Filles du Docteur March, mais j’adore Greta Gerwig! Elle fait partie de mes réalisateurs préférés, aux côtés de Tim Burton, Sam Raimi, Guillermo Del Toro, Spielberg, David Lynch, Martin Scorsese, Peter Jackson, Christopher Nolan et John Carpenter, entre autres. Je la connaissais pour sa participation en tant qu’interprète dans le film d’animation de Wes Anderson L’Île Aux Chiens (autant en VO qu’en VF), mais c’est avec Les Filles du Docteur March que j’ai découvert son cinéma en tant que réalisatrice et scénariste, et j’ai immédiatement accroché et adoré, même chose pour Lady Bird, que j’ai beaucoup aimé (Greta Gerwig avec Saoirse Ronan, c’est la perfection)! J’appréhendais Barbie avec enthousiasme. Et je n’ai (presque) pas été déçue. Le style de Greta Gerwig, sa vision d’auteur, ils sont là, rien à redire là-dessus! En revanche, elle a misé sur le mauvais studio, la Warner a imposé quelques contraintes inutiles.

Le coup des pieds est une idée de génie! Au début, Barbie est sur la pointe des pieds, parce qu’elle porte des talons hauts. Lorsqu’elle traverse sa crise, ses pieds s’aplatissent. Un seul plan qui résume à lui seul l’état d’esprit de Barbie, c’est un coup de maître! 

Cependant, cette chère Greta s’est pris les pieds en plein dans le tapis du féminisme, et autant dans Les Filles du Docteur March, c’est très mesuré et ça respecte le roman, autant dans Barbie, c’est mal maîtrisé:

Du féminisme maladroit et bas de plafond

C’est le gros inconvénient du film. Est-ce Greta Gerwig elle-même qui a renversé tout le pot de féminisme ou bien avait-elle prévu juste une tartine et c’est la Warner qui a renversé tout le pot? Le mystère demeure, toujours est-il que ça dessert le film. Le vrai monde est vu comme une société patriarcale où les hommes sont au pouvoir (ce qui n’empêche pas Ken de se faire recaler pour les jobs, y compris par une femme médecin), le conseil d’administration de Mattel n’est régi que par des hommes, etc. Ce féminisme cliché de bas étage va même jusqu’à Barbieland, lorsque les Ken prennent le pouvoir. Les Barbies sont réduites à des cruches qui s’émerveillent devant les Ken qui ramènent leur science et sont montrés comme relativement bêtes. Il y a toujours la solution magique de la suspension consentie de l’incrédulité, mais le film n’aide pas, et c’est très contrariant (il y a même un Ken qui parle du genre musical post-punk, genre musical cher à mon sœur, c’est le genre de Depeche Mode, Simple Minds, Gary Numan, Killing Joke, Joy Division et The Cure, et voir que sortir une référence, surtout si elle est assez underground, (désolé pour l’anglicisme), c’est d’autant plus frustrant). Il y a même un tacle gratuit aux fans de Zack Snyder’s Justice League, malvenu, sûrement imposé par la Warner. Une preuve de plus que ce studio est nauséabond. Cependant, il y a une explication à ce féminisme grotesque qui fait que je l’accepte dans le film:

Une vision d’enfant

Barbie et Ken, par leur naïveté extrême, se comportent comme des enfants, et ce ressenti s’accentue lorsqu’ils se retrouvent dans le vrai monde. Ken en est le meilleur exemple. Parlez de patriarcat à un enfant, et c’est le bordel. Les enfants ne peuvent pas assimiler correctement des concepts aussi complexes, et c’est pour ça que lorsque Ken découvre le concept de patriarcat et le ramène à Barbieland, il se voit presque maître du monde.

Je disais que c’était contrariant de voir les Ken ramenant leur science comme bêtes. J’ai déjà vu ça quelque part… mais oui! Vous avez déjà vu des filles écouter attentivement et avec admiration un garçon leur sortir sa science, notamment à l’école? Je vous laisse répondre par vous-même.

Toutes les Barbies et tous les Ken sont des enfants dans des corps d’adultes! Ce ne sont pas des attardés, mais au sein de Barbieland, ils interagissent tous comme des enfants.

Le concept de « female gaze » (le regard féminin) prend de l’ampleur, mais dans le cas de Barbie, c’est du « child gaze ». Le film n’adopte pas un point de vue de femme, mais un point de vue d’enfant, de petite fille, précisément. Le message féministe du film est un féminisme primaire, manichéen, naïf, enfantin. C’est plutôt logique! Au final, le film prône à demi-mot dans sa conclusion le vivre-ensemble et un équilibre entre hommes et femmes au sein de Barbieland.

Barbieland

Admettons la thèse féministe selon laquelle nous (enfin, les Américains, plutôt) vivons dans une société patriarcale dans le vrai monde comme une vérité générale, il est évident que Barbieland est un miroir inversé, une société matriarcale, puisque ce sont les femmes qui sont la majorité et qui sont au pouvoir. À partir du moment où Ken revient du vrai monde et change Barbieland en Royaume de Ken (Kendom en VO, et je sens venir un jeu de mots salace), un patriarcat à l’état pur. On obtient un extrême contre un autre extrême. Dans le premier cas, c’est Ken qui est malheureux, dans le second cas, c’est Barbie qui est malheureuse. Ça reste un traitement enfantin (pas infantile, enfantin). Dans le royaume de Ken, les Barbie sont des cruches superficielles, mais dans Barbieland avant la prise de pouvoir des Ken, les Ken sont tout autant superficiels que le seront les Barbie.

Les acteurs

Margot Robbie et Ryan Gosling sont les atouts du casting. Margot Robbie incarne très bien la Barbie stéréotypée ultra souriante qui découvre sa crise existentielle. Ce sont eux qui portent le film, avec leur attitude et leur vision candides. Will Ferrell, comme toujours, est hilarant, même en PDG de Mattel! Pour les Barbie et les Ken, Greta Gerwig s’est entourée d’un casting XXL: à part Margot Robbie et Ryan Gosling, on a Simu Liu (alias Shang-Chi), Emma Mackey (que vous avez probablement vu dans la série Netflix Sex Education ou dans le film Mort sur le Nil de Kenneth Branagh), Kate McKinnon (une habituée du Saturday Night Live), John Cena, Michael Cera, ou encore la chanteuse Dua Lipa.

Mon seul regret: l’irrésistible Saoirse Ronan, ma chouchoute, qui n’a pas eu la possibilité, pour des raisons logistiques, de faire un caméo en tant que Barbie!

Franchement, ma Saoirse Ronan chérie en Barbie, ça l’aurait fait!

Et puisque je mentionnais Ryan Gosling:

Ken, un anti-héros brisé et malheureux en quête d’amour et de reconnaissance

Ken est sans doute le personnage le plus attachant du film (ce qui est ironique, pour un film centré sur Barbie et qui entend se moquer du patriarcat). Jusqu’à ce qu’il parte pour le vrai monde, Ken s’est toujours senti mis à l’écart et peu considéré par Barbie. Tout ce qu’il voulait, c’était un peu d’attention de la part de Barbie (comme tout garçon qui est amoureux d’une fille). Évidemment, avec son comportement et sa façon de penser entièrement enfantins, lorsqu’il découvre le patriarcat, Ken le pousse à l’extrême. Il ressent de la fierté, qui va un peu jusqu’à l’orgueuil, en voyant qu’on le respecte, il est remonté contre Barbie, mais ce n’est pas pour autant du narcissisme, il n’a pas d’aversion innée pour Barbie. Ce traitement de Ken, à mon sens, réfute une potentielle misandrie de Greta Gerwig, Ken n’est pas le méchant homme blanc patriarcal, il est en fait très humain pour une poupée, il finit même par craquer de honte et de tristesse devant Barbie. Malgré le propos féministe du film, il n’y a pas de misandrie (encore heureux!), puisqu’on ne peut avoir que de l’empathie pour Ken. Tout ce qu’il voulait, c’était qu’on le respecte un peu.

Conclusion

Barbie est somme toute une histoire imaginée par des enfants qui jouent pendant la récré! Imaginez Barbieland comme une cour de récréation dans une école ou comme une aire de jeux! Greta Gerwig signe un blockbuster au propos bateau mais largement compensé par un humour efficace, en revanche je lui suggèrerais de s’éloigner de la Warner et de Disney et d’aller du côté de Paramount ou de retournee vers Universal et Sony pour s’assurer une liberté créative sans concession.

Synopsis

Barbie mène une vie parfaite et insouciante à Barbieland. Tout va pour le mieux, jusqu’à ce qu’elle pense à la mort et traverse une crise existentielle. À partir de là, tout part en sucette. Douche froide, lait périmé, PIEDS PLAAAAATS! Barbie n’a qu’une solution: aller dans le vrai monde pour aller à la source de cet imbroglio et le régler. Mais c’était sans compter sur Ken qui décide de l’accompagner dans le vrai monde.