Chronique : L’héritage de la Seconde Guerre Mondiale reste encore fort au vu de son impact déchirant sur l’Histoire. Alors que le cinéma a tenté d’aborder ces événements avec plus ou moins de respect, le cinéaste hongrois Kornél Mundruczó, accompagné de sa scénariste Kata Wéber, tente d’appréhender ce qu’il nous reste des horreurs du passé par le biais de trois histoires, une par génération. Cette division narrative et temporelle amène déjà une forme de gradation dans son approche et permet de mieux capter les ramifications de la déshumanisation qui aura marqué la planète entre 1939 et 1945.
Approche quasi irréelle
La première partie, peut-être la meilleure dans ce qu’elle évoque, apporte ainsi une perception horrifique mais quasi irréelle des atrocités de la seconde guerre mondiale. La découverte miraculeuse de ce bébé apporte une forme d’inquiétude mais également de faux espoirs dans cet endroit de mort. Y faire résonner la vie apporte déjà cette notion de besoin d’assumer ce qu’il s’est passé dans les camps de concentration. La caméra en mouvement quasi constant de Kornél Mundruczó contribue encore plus à cette sensation proche du fantastique pour mieux en tirer tout l’effroi du monde.
Au cauchemar illustré du premier tiers, les deux autres s’ancrent plus pleinement dans notre quotidien par le biais de leurs personnages. Pourtant, le traumatisme est présent, blessant encore la chair et l’esprit comme quelque chose de vivace auquel personne ne peut échapper. La tournure prise par ce restant de film marque cette impossibilité d’ignorer les ramifications de ces horreurs et pousse à évoluer en conservant en tête ce que le monde peut avoir de pire tout en espérant le meilleur.
En ce sens, le film de Kornél Mundruczó et Kata Wéber parvient à capter comment trois générations ont pu faire face à l’Histoire dans ce qu’elle a pu les déchirer profondément. « Évolution » s’avère sans surprise remarquable, notamment grâce à la mise en scène aussi particulière du cinéaste hongrois. Son approche visuelle contribue à faire résonner les interrogations d’un long-métrage charriant les fantômes de la Seconde Guerre Mondiale et la manière dont on ne peut totalement exorciser ses démons face à un traumatisme aussi intime qu’universel.
Résumé : D’un souvenir fantasmé de la Seconde Guerre Mondiale au Berlin contemporain, Evolution suit trois générations d’une famille marquée par l’Histoire. La douleur d’Eva, l’enfant miraculée des camps, se transmet à sa fille Lena, puis à son petit-fils, Jonas. Jusqu’à ce que celui-ci brise, d’un geste d’amour, la mécanique du traumatisme.