J’arrive un peu après la bataille, toute la critique parisienne a déjà déversé son fiel sur le pourtant très prenant film de Maïwenn. L’ascension de la roturière Jeanne Vaubernier devenue favorite du roi Louis XV est retranscrite dans le jus du XVIIIe siècle, avec des images naturalistes sublimes et un rythme adapté à l’époque donne un film non point mémorable mais très agréable à voir au cinéma.
Une fidèle retranscription historique
Pas de musique rock comme dans le Marie-Antoinette de Sofia Coppola, pas d’acteurs woke comme dans la Chronique des Bridgerton, la fidélité historique est privilégiée aux artifices très 2023, l’intention est plus que louable. La cour de Versailles est transformée en fourmilière toxique, le roi est au centre des attentions et des flagorneries, lui plaire à tout prix est la seule et unique priorité des courtisans. La photographie magnifie le château de Versailles, tel un vaisseau fantôme hanté de squelettes en plein centre d’une nature victorieuse. La chronologie et les évènements sont respectés jusqu’à la variole qui a emporté le roi, maladie respiratoire hautement contagieuse résultat de toutes les bagatelles non protégées accumulées par le roi libertin. Maladie aujourd’hui éradiquée grâce à une campagne de vaccination à l’échelle mondiale, de quoi susciter l’admiration devant les bienfaits de la vaccination…
Un temps de libertinage
L’histoire est là jusqu’à ces quelques petites particularités du XVIIIe siècle comme ce jeune Zamor enlevé d’Afrique, récupéré aux Indes et exposé comme une bête curieuse. Johnny Depp est le roi, taiseux, charismatique, au regard qui vous fixe et qui ne doit jamais rien justifier, car c’est le roi. Pas de grandes envolées lyriques, ses interventions sont courtes pour ne pas trop laisser filtrer son accent américain, léger mais inévitable, et pas du tout embêtant, c’est la principale touche de modernité dans ce film très classique. Benjamin Lavernhe, Pierre Richard et Micha Lescot sont impeccables, pas très bavards mais aux postures intenses. Finalement, la seule faiblesse du casting tient dans la prestation un peu fade de Maïwenn en Jeanne du Barry, pas suffisamment vénéneuse, dans une posture plus 2023 que XVIIIe siècle, femme forte mais sans saveur, jusqu’à faire douter de l’attrait irrésistible du roi pour elle. La peinture du temps est belle, avec ses couvents, ses chausse-trappes, ses filles de roi transformées en pestes ridicules.
Le grand moment du film tient dans la mort du roi et ces « Le roi est mort, vive le roi ». Le film offre une plongée temporelle troublante, de quoi faire s’évanouir tous les contempteurs woke de 2023. Mais telle est l’histoire, les temps et les mœurs étaient différentes, il n’y a rien à y faire, et tenter d’effacer les différences les plus ennuyeuse n’y fera rien. Bref, Maïwenn a réussi son film historique, pas le film définitif du le libertinage, mais une très belle réussite tout de même.
Synopsis:
Jeanne Vaubernier, fille du peuple avide de s’élever socialement, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition. Son amant le comte Du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, souhaite la présenter au Roi. Il organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu. Celle-ci dépasse ses attentes : entre Louis XV et Jeanne, c’est le coup de foudre… Avec la courtisane, le Roi retrouve le goût de vivre – à tel point qu’il ne peut plus se passer d’elle et décide d’en faire sa favorite officielle. Scandale : personne ne veut d’une fille des rues à la Cour.