Pour qui connait la vie de l’Abbé Pierre, ce biopic réalisé par Frédéric Tellier n’apprendra rien, égalisant les différents épisodes d’une vie hors norme et enchainant les périodes avec toujours la même émotion, dans un bel hommage à l’éternel révolté devenu une figure médiatique incontournable, un peu épouvantail, un peu caricatural mais toujours honnête. Mais en fondant l’organisation non confessionnelle de lutte contre l’exclusion le mouvement Emmaüs, l’homme a rendu tangible une valeur trop souvent galvaudée, la charité.
Un biopic porté par son interprète principal
Frédéric Tellier a réalisé précédemment L’Affaire SK1, Sauver ou périr et Goliath, il change de braquet en s’attaquant à la figure de l’Abbé Pierre. Les plus jeunes ne le connaissent pas beaucoup, les moins jeunes se rappellent de cette figure incontournable des médias, se révoltant à tout bout de champ contre l’inactivité sidérante des pouvoirs publics contre la misère galopante. Résistant, combattant, révolutionnaire, icône, le film apprend de quoi était fait le cheminement d’un homme issu de la bourgeoisie lyonnaise aisée et devenu capucin à l’âge de 19 ans. Sa santé fragile le pousse à choisir une autre voie que celle de moine et quand la guerre surgit, il est soldat puis résistant. Quand la guerre se finit, il rencontre l’impossibilité de l’action des députés de l’hémicycle et choisit le terrain en fondant le mouvement Emmaüs dans une maison délabrée avant de voir le mouvement étendu à la France entière, sans jamais cesser son combat. Alors loin de ne montrer seulement que les actions de grande ampleur le film choisit surtout un angle intime, au plus près du quotidien, ne cachant rien des péripéties d’une vie d’homme pour révéler ses combats intérieurs et ses erreurs. En cela, le film est d’une vraie sincérité, le réalisateur refuse l’hagiographie mais il ne charge pas non plus la barque à l’excès. C’est en côtoyant des proches d’Henri Grouès que le réalisateur a pu aboutir à un ton inédit en ce qui concerne l’Abbé Pierre, quittant le discours officiel pour toucher à l’intime. Il ne fut pas seulement un homme issu d’un milieu privilégié tombé dans une vie dédiée à l’autre, il était fort et fragile à la fois, passionné et ultrasensible. Benjamin Lavernhe incarne avec talent l’homme devenu une vraie figure nationale, suivant les pas de Lambert Wilson dans ce rôle pas simple qu’il revêt avec talent, montrant la bonté mais aussi parfois cette intransigeance qui a pu paraitre néfaste voire violente. L’acteur passe par tous les âges d’une vie dense et remplie de combats en faisant évoluer la voix et la posture pour rester au plus près de l’homme.
Le biopic fait revivre une vie peu commune marquée par une obsession pour la solitude des hommes et le besoin de leur venir en aide. Si le film souffre d’une certaine transparence en terme de mise en scène, il ne perd jamais de vue que le film est moins important que l’homme, ce n’est pas forcément une mauvaise chose.
Synopsis: Né dans une famille aisée, Henri Grouès a été à la fois résistant, député, défenseur des sans-abris, révolutionnaire et iconoclaste. Des bancs de l’Assemblée Nationale aux bidonvilles de la banlieue parisienne, son engagement auprès des plus faibles lui a valu une renommée internationale. La création d’Emmaüs et le raz de marée de son inoubliable appel de l’hiver 54 ont fait de lui une icône. Pourtant, chaque jour, il a douté de son action. Ses fragilités, ses souffrances, sa vie intime à peine crédibles sont restées inconnues du grand public. Révolté par la misère et les injustices, souvent critiqué, parfois trahi, Henri Grouès a eu mille vies et a mené mille combats. Il a marqué l’Histoire sous le nom qu’il s’était choisi : l’Abbé Pierre.