Chronique : Le fait que le premier long-métrage de Léopold Legrand commence par un accident amène bien l’idée d’un récit marqué par des destins brisés. Cet accident (et l’acte illégal avant celui-ci) ne fait qu’appuyer une notion de légalité passionnante au vu de l’enjeu moral au centre de l’histoire : peut-on accepter un échange financier pour un enfant ? Cette réflexion à la réponse immédiate se trouble rapidement par la relation entre les deux couples menant la narration. Il faut bien admettre que le film n’hésite pas à multiplier les couches et les nuances, comme un malaise qui sait s’immiscer par l’aspect naturel de ses personnages mais également leur ancrage social et économique.
La différence de classes sociales entre nos protagonistes n’est qu’un des niveaux d’appui du récit mais il n’en est pas moins indispensable pour analyser le long-métrage, appuyant un enjeu pécuniaire fort à la moralité clairement questionnée. La sincérité des quatre acteurs principaux permet alors de mieux plonger dans des eaux marquées et de se laisser prendre par un récit retors par la fausse banalité exprimée. Jamais le film ne bascule dans un jugement simpliste et croque un quadruple portrait sous l’angle du fait divers dans ce que l’histoire a de factuel mais également de faillibilité passionnante.
Parvenant à créer le malaise avec son point de départ, « Le sixième enfant » s’avère solidement construit, trouvant l’équilibre parfait entre faire respirer des personnages nourris par leurs erreurs et leurs doutes et étouffer son audience par le traitement de son récit. Social sans verser dans le dolorisme mesquin ou la grossièreté d’écriture, voilà un premier film passionnant dans sa façon d’esquiver en permanence toute facilité pour mieux interroger, troubler, mais surtout marquer.
Résumé : Franck, ferrailleur, et Meriem ont cinq enfants, un sixième en route, et de sérieux problèmes d’argent. Julien et Anna sont avocats et n’arrivent pas à avoir d’enfant. C’est l’histoire d’un impensable arrangement.