Dès les premières minutes le ton est donné. En annonçant que Bonaparte est né en 1769 (et non pas 1768), le premier indice d’un film aux erreurs (certainement assumées) est lancé avec fracas comme un pavé dans la mare. L’important n’est donc pas de relever tous les faits erronés d’un opus qui en connait beaucoup (trop pour certains) mais de se laisser conquérir par une ambiance que le réalisateur Ridley Scott sait distiller. Il a montré tant et tant de fois qu’il sait réaliser un film et plonger le spectateur dans une époque éloignée de la sienne, avec la nécessité de se laisser porter et de ne pas résister, il faut se laisser aller. Exercice difficile pour beaucoup mais pourtant assez agréable si on y pense bien. Si bien que Napoléon relève plus de la fiction que du biopic, c’est la vision d’un homme que Scott imagine fort en dehors mais fragile en dedans. Et pourquoi pas.

Un film de science-fiction?

Il n’y a qu’à entendre l’utilisation répétée du célèbre air Dawn tiré du film Orgueil et préjugés (celui avec Keira Knightley) pour comprendre que ce film ne se contente pas d’égrener les principaux faits d’arme d’une existence toujours marquante 200 ans (et 2 ans) après sa mort, avec l’ajout d’éléments très woke qui inscrivent automatiquement le film dans son époque et le privent d’éternité. Joséphine de Beauharnais se voit souvent privée de sa particule, elle mène une existence libérée et se veut l’égale de son mari (au moins au début). Elle est surtout au centre de l’histoire et les nombreux moments passés avec Bonaparte sont plus que des intermèdes, avec force détails sur l’intimité du couple, jusqu’à transformer les moments de bataille en détails. Les rires étaient nombreux dans la salle devant ce qui ressemblait à des scènes de film à de l’eau de rose, Napoléon et Joséphine transis d’amour, ce n’est pas commun et c’est même assez osé, pas vraiment cinématographique mais peut-être nécessaire pour doter Napoléon d’une humanité souvent laissée de côté au cinéma. La figure de commandeur apparait bien lors des évènements publics, avec ce rictus pincé qui sied si bien à Joaquin, mais le visage prend vie entre les 4 murs de la chambre. Et puis il y a des personnages de couleur, de quoi faire oublier que Napoléon a rétabli l’esclavage pour rendre le film acceptable à la minorité woke si bruyante? Le seul général noir de l’Empire s’appelait Joseph Serrant et il était métis. Un général de peau très noire (personnage de fiction, donc) apparait beaucoup à l’écran, il est même partout. Si le film n’est pas à proprement parlé un film de guerre narrant les hauts faits d’arme d’un stratège de génie, c’est certainement grâce à tous ces éléments qui détonnent par rapport aux autres films plus fidèles à la réalité. Et pourquoi pas. Il reste que le personnage public est bien fidèle à l’image que l’on s’en fait, avec son coup d’état, avec ses victoires militaires, avec son couronnement d’empereur et puis sa fin si tragique que prévisible. Il fallait monter bien haut pour que les chute soit si fracassante. Alors là aussi les erreurs n’en sont pas vraiment. Les boulets de canon qui frappent les pyramides en Egypte donnent un effet bien plus cinématographique que des boulets qui s’envolent au vent. Et si la bataille d’Austerlitz n’est vraisemblablement pas le reflet de la réalité, elle reste épique et un des moments forts du film. Pareil pour Waterloo, moment qui se mérite après presque 2h30 de péripéties nombreuses. A la fin, ce Napoléon est attachant, homme public d’envergure mais homme privé peu sûr de lui. La dichotomie est osée, Ridley Scott s’en donne les moyens et il se fiche bien des médisants, c’est son film, point.

Au final, ce Napoléon est un vrai challenge, il fallait bien cela pour en saisir la complexité. Avide de pouvoirs et de conquêtes, ou bien déterminé à jouer toutes les cartes de son jeu? Le film est une vraie fiction, avec un Joaquin Phoenix toujours sans la retenue et une Vanessa Kirby elle-aussi peu exubérante. De quoi crée un vrai pont avec les spectateurs, sans trop de pyrotechnie, en tous cas juste ce qu’il faut pour captiver et comprendre les ressorts du personnage Napoléon.

Synopsis:
Fresque spectaculaire, Napoléon s’attache à l’ascension et à la chute de l’Empereur Napoléon Bonaparte. Le film retrace la conquête acharnée du pouvoir par Bonaparte à travers le prisme de ses rapports passionnels et tourmentés avec Joséphine, le grand amour de sa vie.